Southern Bastards, tome 2 – Sang et sueur

Vous devez lire Southern Bastards.
Si ce n'est pas déjà fait, rendez-vous dans votre librairie la plus proche et, en échange de dix petits euros, procurez-vous le premier tome de la série, vous tenez là un des meilleurs comic book que vous pourrez lire. Voilà, c'est dit.


Le premier tome, donc, m'avait fait une grosse, que dis-je, une énorme impression, et surtout nous laissait dans une situation assez curieuse et rare dans le petit monde du comic book : son personnage principal, Earl Tubb, mourrait à la fin du tome un, roué de coups à mort par la crapule en chef de ce petit bled paumé du Texas, Euless Boss, accessoirement entraîneur de l'équipe locale de foot. Pour un auteur, trucider son héros alors que l'histoire vient à peine de commencer, c'est plutôt gonflé mais aussi très risqué.


J'étais impatient de lire comment Jason Aaron allait se sortir de cette situation. J'imaginais un peu comme tout le monde que le rejeton d'Earl Tubb viendrait sans doute venger son père, et qu'on allait assister à une seconde manche explosive entre l'enfant droit et vertueux et la crapule locale. Mais Jason Aaron a choisi un autre chemin pour développer son histoire. Ce tome deux pourrait tout aussi bien s'appeler Les origines d'Euless Boss car Aaron entreprend de nous montrer le passé de ce petit seigneur, à travers de nombreux flash-back.


Un procédé facile, opportuniste, me direz-vous ?

Pas vraiment. Des flash-back dans Southern Bastards, il y en avait quelques-uns dans le tome un. Ceux-ci ne tombent donc pas comme un cheveux dans la soupe, la série les a déjà utilisés. Mais surtout parce qu'ils sont remarquablement écrits. Vraiment Jason Aaron se surpasse. Il parvient petit à petit à transformer les sentiments que nous inspirait Euless Boss, et on finirait presque l'album avec un peu d'empathie pour lui, qu'en fin de compte Aaron éloigne de la brute épaisse monolithique.


Il dessine en filigrane des points communs entre Euless Boss et d'Earl Tubb, deux personnages que pourtant tout oppose. Il y a le même thème du rapport conflictuel entre un fils et son père. J'ai beaucoup aimé les rappels qu'Aaron glisse discrètement dans ses flash-back (relire le tome un juste après, ça saute aux yeux). Idem avec le thème de la prédestination : sommes-nous amenés à devenir ce qu'étaient nos parents ? La filiation est au cœur du drame qui se jour à Craw County.


Mine de rien, revenir dans le passé, à ce moment de l'histoire, permet aussi d'introduire de nouveaux personnages qui, j'imagine, ne tarderont pas à resurgir dans un prochain tome, dans le présent cette fois-là. Et Aaron n'utilise pas toutes les pistes à disposition : il me semble impossible que les deux pères ne se connaissent pas (l'un était le shérif respecté du coin, l'autre un vaurien doublé d'un voyou). Cela va forcément exploser un jour ou l'autre. Bref, plus Jason Aaron installe ses personnages et son histoire, plus son potentiel paraît évident.


Peut-être moins dans la critique certes un peu facile du sud des États-Unis, plus dans une évocation du monde du football américain des fifties qui transpire le vécu, ce deuxième tome confirme tout le bien que je pense de cette série. On serait même en droit de se demander si le vrai personnage central de Southern Bastards ne serait pas au final Euless Boss.

Et dans un joli effet de boucle, Jason Aaron de nous ramener au même point qu'à la fin du tome un. Southern Bastards, retenez bien le nom de cette série, car elle a tout d'un classique en devenir : il me paraît impossible à tout lecteur de comic book de passer à côté. Vous aurez été prévenus.



Stéphane Le Troëdec



Jason Aaron (scénario) et Jason Latour (dessins)

Southern Bastards, tome 2 – Sang et sueur

Cet album compile les épisodes 5 à 8 de la série Southern Bastards publiée aux USA par Image Comics.

Édité en France par Urban Comics (26 juin 2015)

Collection Urban Indies

114 pages couleurs sur papier glacé et sous couverture cartonnée

14 euros

ISBN : 9782365776530

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