Maitre et valets : Jean-Benoît Puech

Benjamin Jordane (1947-1994) est un écrivain inventé de toutes pièces par Jean-Benoît Puech. Grâce à cet acolyte une mythologie se construit et s'alimente par annotations et commentaires de collaborateurs eux aussi imaginaires. Au petit soin pour son auteur de chevet l'écrivain n'hésite pas à monter un véritable colloque sur l'univers littéraire pléthorique d'un tel histrion.
À partir de là tout est en place et Puech se complait à nous emberlificoter dans les arcanes et labyrinthes des gloses de supposés adorateurs. Eux aussi font feu de leur savoir. Néanmoins si l'un se pique d'une citation de Chateaubriand, c'est encore en vue de la mise en exergue de Jordane. L'auteur l'a inscrite lui-même en incipit : En tête des notes de Jordane qui font suite à ce modèle réduit de "roman anglais".
Mais il suffit d'un moindre détail pour que les prétendus rationalistes  ouvrent le banc des spéculations. Elles créent des empilements d'hypothèses d'études dont personne n'a rien à battre tant ces architectures sont aussi dérisoires qu'absurdes. 
Si bien que Puech devient une sorte de Thomas Bernhardt mais qui à l'acrimonie préfère l'ironie. Ses "matinées" forment le corps du livre et dévoilent un peu plus la fresque farcesque d'un auteur qui se plait à rire de ces salons culturels désuets où le moindre inédit de Jordan met l'académie en nage. Un tel monde circonspect et suranné non seulement l'auteur ne le rate pas mais il en fait notre régal.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Benoît Puech, Cinq matinées du Jordane Club, illustrations de l’auteur, Fata Morgana, septembre 2022, 240 p.-, 27€

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