Jean-Claude Bélégou : du bon usage des images

Pour présenter sa série – où l'on revient aux fondamentaux du photographe – Jean-Claude Bélégou remonte à l'histoire de la photographie anthropométrique. C'est un certain Alphonse Bertillon,employé qualifié de médiocre par ses chefs, bien connu dans les milieux de la photographie qui va inventer un système d’identification des criminels avec usage de la photographie.
A la fin du XIXe siècle,  le préfet Lépine  fonde le Service d’identité judiciaire qui étend l’utilisation de la biométrie et le portrait aux fous, étrangers, cadavres, nomades avant de passer à l'utilisation généralisée à tous les Français rendue obligatoire depuis près de 80 ans.

Bélégou rappelle qu'un tel usage a repris du peps au temps du Covid-19. La photographie devient l'identificateur idéal de filage et répression sous diverses bonnes raisons. D'autant que technologie aidant, le numérique permet de paufiner l'intendance que chaque prise promet...

Tout portraitiste est donc remis face à ses responsabilité. N'est-il pas devenu le bras armé involontaire d'un état policier ? La République à visage découvert serait-elle, dès lors, lettre morte ?  Bélégou reprend ce slogan d’un autre état d’urgence, pas si lointain, pour réviser ses poncifs.  Il lutte ici contre le mal par le mal. Il ne le biffe pas mais – si l'on peut dire – appuie dessus.

 

En effet comme dans les années heureuses où le photographe faisait poser son amoureuse et des modèles dans le presbytère qu'il avait acheté, il présente des belles des champs à visages à découvert, selon une subjectivité et une intersubjectivité totalement assumées et revendiquées.
D'où – et à l'époque du confinement –  le titre : La vie malgré tout.

La beauté est là : à l'état naturel, sans sophistication. Dès lors malgré les dégâts d'un capitalisme par nature sauvage une autre nature primitive apparaît loin de tout infantilisme ou impudeur facile ou de démagogique propre à flatter le voyeur.
Nous retrouvons la veine des portraits les plus forts de Bélégou dans ce lieu clos. Ils deviennent les appâts, et les fruits (verts) d'un jardin d'Eden. Celui-ci fait la nique aux lieux sous surveillance organisée conséquences inéluctables des grandes concentrations urbaines, d'une mondialisation cupide.
L'artiste s'affiche comme libertaire, hédoniste, respectueux. Il offre un havre de paix dégagé de la misère et de la détresse.

Le lieu de confinement est revendiqué implicitement comme tel pour qu'une liberté demeure. C'est un peu de souffle, un peu d'eau fraîche. C'est peut-être la vie à l'envers mais la vie envers et contre tout, fragile, humaine trop humaine, sensible, faite de chair et de sang, d'émotion, de dons et de refus, d'élans et de désirs, de soif de liberté et de mouvement" Et l'artiste d'ajouter face au monde tel qu'il est La nuit sera sans fin : mais il en retarde l'arrivée
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Jean-Claude Belegou, La vie malgré tout, exposition virtuelle, juin 2020  sur le site de l'artiste.

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