Jean-Claude Pirotte, la poésie en passe-murailles

Impénitent voyageur, longtemps en exil forcé, obligé bien malgré lui de jouer au troubadour vagabond depuis que la justice belge reproche à l’avocat Pirotte une aide appréciée apportée à la belle que s’offrit un détenu, mais cela n’a pas empêché le poète Pirotte de noircir des cahiers entiers de notes, de récits, de poèmes…
Si bien que ses fervents lecteurs se sont, au fil du temps, scindés en deux camps : les adorateurs du premier cercle, poésie exclusive ; et les contempteurs des écrits en prose, des récits et des contes.

Ce recueil-ci, poésie primitive ensorcelle le lecteur par sa musicalité et ses images du Jura ou de la mer du Nord, ces paysages en décor d’immersion pour évoquer aussi les amours du cœur et ceux de l’esprit, en hommage aux poètes amis.
Justesse d’un temps, précision d’un décor, étang ou ciel, neige ou mer déchaînée, le secret réside dans le mouvement, cette fluidité du corps qui offre à l’âme la force d’une émotion au-delà des signes humains.

Portée par un bestiaire tout aussi important que la nature qui l’accueille, la poésie de Jean-Claude Pirotte enroule le songe pour mieux trousser les fleurs d’aubépine, comme un mendiant qui relève sa tignasse pour mieux se guider aux étoiles.

c’était la guerre encore et moi je l’ignorais
les cheminées fumaient chichement dans le soir
et la vallée s’enveloppait de vapeurs blanches
en compagnie du chien vieux et aveugle
veillait l’aïeul devant l’âtre mourant

 

dans l’odeur brune des châtaignes brûlées
c’est le moment d’aller au lit disait-il
il fera jour demain oui c’était l’heure
entre ses doigts mourait la bougie, ainsi
naissait la nuit consacrée aux fantômes


Livre souverain qui marque du sceau universel une écriture magistrale qui redonne une direction à l’aube ultime décor / des vies sans demeure.

 

François Xavier

 

Jean-Claude Pirotte, Ajoie précédé de Passage des ombres et de Cette âme, Poésie/Gallimard n°529, février 2018, 432 p. – 7,30 €

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