Un Hosanna sans fin

« Grâce à Dieu, je vais mourir ».
Telle est la première phrase de Jean D’Ormesson dans son tout dernier livre. Celui qu'il n'a pas eu le temps de corriger et qui est publié en l'état par sa fille Héloïse. 

L'énoncé est surprenant tant l'inconscient collectif n'imaginait pas que l'immortel puisse comme tout le monde, mourir un jour, tant il incarnait la joie de vivre, le bien-être. De façon surjouée peut-être parfois mais avec une persuasion élégante qui faisait que l'on avait tant envie de croire à sa façon enchantée de percevoir l'existence.

Dans ce livre qui est une célébration de la vie, l'hédoniste, le fou de littérature, d'écriture, des bons mots,  des femmes évoque la mort qui « est le but  de toute vie ». Celle qui « toujours contournée avec soin est au cœur  de l'art, de la science, de toute littérature, de toute philosophie ». Il imagine dans un  immense vertige la fin de la pensée humaine, si « belle, si puissante soit-elle » : qu'y aura-t-il après la pensée et les hommes ? « Autre-chose ». Il met en perspective la science et l'histoire, ce qu'il y avait avant l'homme, ce qu'il y aura après et en arrive lui, l'érudit à la culture immense à l'existence si longue au constat que nul ne sait.
L'agnostique qui n'a jamais eu la grâce divine d'avoir la foi, arrivé au bout du chemin espère que Dieu existe, car sans Dieu, » pas d'espérance ».

Et cet essai qui pourrait être désespérant ne l'est pas : «  Quel que soit son cours, la vie est belle » A l'instar de Dieu qui peut-être existe et serait comme un coin de ciel bleu au terme d'une journée plutôt sombre.
Cet ultime opus de l'académicien est mélancolique et lumineux, humble et brillant, paradoxal et sombre, parfaitement en accord avec l'auteur qui fut  avec son regard pétillant, ses réparties mordantes, le symbole de l'intellectuel abordable, le dernier des aristocrates à la légèreté pénétrée de l'esprit des lumières. 

Un Hosanna sans fin est son dernier ouvrage à la fois métaphysique et bouleversant. Plus jamais il ne donnera à ses lecteurs l’impression d’être à la fin d’une lecture un peu plus intelligent. 

Brigit Bontour

Jean d'Ormesson, Un Hosanna sans fin, Héloïse d'Ormesson, novembre 2018, 124p. ; 14 euros

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