Murena IX, les épines offrent une couronne à Dufaux et Delaby.

Rome dépasse l’humanité. Et c’est précisément ce que Néron a compris après la destruction de celle-ci par les flammes du grand incendie de 64. Sa cité, en tant qu’empereur, dépassera tout ce qui a été vue ! Les bâtiments rivaliseront les uns avec les autres en grandeur et en beauté. Mais pour cela, il lui faut, tel un Phénix dont l’éternité est promise, renaitre de ses cendres.

Alors que l’empereur pense, avec générosité envers son peuple, aux plans et aux gros œuvres, les petites gens – ou ceux qui s’en disent proches – travaillent dans les gravas à l’instar de Lucius Murena. Alter ego de Néron, oscillant entre le statut de meilleur ami et celui de Némésis du descendant d’Auguste, il tente de racheter sa faute : celle d’avoir lancer l’incendie dans une bagarre avec l’un des sbires de Poppée l’impératrice.

Simplement, sa version – qu’il n’a pas encore racontée – n’avantage pas tout le monde, notamment ceux qui souhaiteraient se débarrasser par intérêt personnel ou vengeance d’un nouveau groupe religieux, les chrétiens.

Tous les personnages de la série avaient du prendre position lors des précédents livres Vie des feux et La Revanche des Cendres, lorsque les flammes ravageaient l’Urbs : entre début de folie, altruisme, haine, chacun avait choisi son camp. Maintenant, il est temps d’assumer. Voir, peut-être, de se repentir : loin du déséquilibré que l’Histoire fait de Néron, celui-ci doit tenir une place précaire à l’encontre des apparences sur un échiquier politique bien complexe.

Et à tenir leur place, certains auront les mains pleines de sang malgré leur bonne volonté.

 

Dufaux et Delaby signent un neuvième tome, Les Epines aussi excellent que d’habitude. Jouant avec l’Histoire – dont les coins sombres rendent parfaitement possible leur ouvrage tellement la tragique aventure de l’incendie de 64 a vu des sources contraires être écrits dessus – les deux artistes prennent une fois encore le temps, tant scénaristiquement que graphiquement, d’évoluer pas à pas dans cette série ambitieuse.

Une mention particulière est à offrir aux développements de Néron et du centurion de la garde prétorienne Ruffalo face à la mort de Pierre. En s’éloignant néanmoins de la Tradition catholique romaine sur la mort du premier pape, ils offrent cependant une belle vision du martyre et d’un courageux témoignage pour le Christ.

 

Une fois encore, c’est un tome plein de violence que nous refermons après quarante-six planches dans l’Antiquité. Nier cette réalité de guerre et de conflits serait ne pas rendre à nos ancêtres ceux qu’ils ont vécus. Mais de là à ne suivre pratiquement que la voie du sang, les auteurs ont fait leur choix. Or, c’est sur une double promesse de meurtre que se termine ce neuvième opus. La question est donc : sur quoi s’ouvrira le dixième ? Comment se terminera le cycle de l’épouse après celui de la mère ? Par la morsure de l’acier ou le baiser du pardon ? A moins que l’un n’entraine l’autre…

Si vis pacem…

 

Pierre Chaffard-Luçon

 

Dufaux & Delaby, Murena IX : Les Epines, Dargaud, juin 2013, 46 p. – 11,99 €

2 commentaires

Pierre, la série Murena est une très bonne série, très bien documentée. Cependant nous ne sommes pas devant une biographie ou une étude historique mais devant UNE création artistique ou qui se veut comme telle. Ne la rangez donc dans la catégorie Histoire s'il vous plaît. Même si l'album aide à connaître la Rome Antique, ce n'est pas un livre d'Histoire. Merci de rectifier si c'est encore possible.

correction faite, merci