Soutter revu mais non corrigé par Frémon

Solitaire comme personne Louis Soutter parle, se parle à travers Jean Frémon, lecteur de la vie chaotique du créateur et de ses œuvres trop facilement rangées dans "l'art brut" pour s'en débarrasser.

Frémon ne propose en rien une biographie. Il a compris en effet combien un tel genre n’était qu’une plaisanterie. Il préfère que sourde le cri d'une expérience douloureuse et une secrète vérité.
Autour du mystère de l’image figure de l'enfermement de celui que l'auteur nomme l'homme envoûté ce qui ne l'empêcha d'être habité.

Le texte vagabonde de manière magistrale dans une série d’impasses. L’auteur et son modèle refont les cents pas dans l'asile où l'artiste suisse fut enfermé sans les moindres soins psychiatriques.

Avec Soutter ce qui désapproprie l'être fonde l'œuvre. Et si comme le rappelle ce texte l'artiste n'est jamais parvenu à désencoigner cette crevasse de silence où tout tomba d'abord en lui (mère comprise).
Ses traces figurales sont des reliques qui ne peuvent cependant servir à  aucune sanctification ou exhibition d'un secret.

Le livre de Frémon comme l'œuvre de Soutter n’exhibe que l'homme et sa perte. Les dessins du Suisse sont les reliquaires de rien qui se cacherait derrière. Ils se veulent le support d’aucun culte, d’aucun rituel.
L’indice textuel n’est que la fable optique d'une perte, la fable d'un trait qui ne pourra gérer sa descente aux enfers mais reste accrochée dans l’aptitude à rendre les êtres absents à eux-mêmes qu'ils sont lorsqu'ils sont terrassés par leurs angoisses.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Jean Frémon, Les élus et les damnés, dessins de Louis Soutter, Fata Morgana, janvier 2019, 72 p.-, 13 euros

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