Prix Jean Giono : le jour d'après

Numérisation_20200824

L'annuel battage médiatique qui, depuis Paris, fait en cette saison fiévreusement rage autour des Prix littéraires et irradie un peu partout en province, me donne l'idée de proposer aujourd'hui à lire quelques réflexions et remarques qui, en regard, me sont venues à l'esprit à propos du Prix Jean Giono.
L'écrivain manosquin brillant aujourd'hui au firmament, dans La Pléiade, n'est-il donc pas d'autant plus regrettable que le Grand Prix qui porte son nom soit encore et toujours décerné à Paris. Pas une seule fois à Manosque !
 

Pourquoi ne pas l'y faire avoir lieu carrément chaque année – pourquoi pas vraiment in situ à l'occasion (rêvée !) des Rencontres Giono ou bien au cours des Correspondances de Manosque ?  et que le nom du lauréat ou de la lauréate soit claironné et rendu public non plus depuis Paris mais depuis le Paraïs même ; et mieux encore, si possible, de préférence de la fenêtre même du dernier bureau en date de l'écrivain !
Ce qui serait alors le fin du fin et un retour aux sources en même temps ; mettant du coup le monde officiel des Lettres françaises sinon quelque peu en porte-à-faux, tout au moins à un autre parfum, moins artificiel, convenu, et élitiste dans le plus mauvais sens du terme, que celui de l'affairisme outrancier qui – ah, ces jurys inamovibles ! – règne de façon autant despotique qu'autoritaire sur les Prix, toutes catégories confondues, depuis toujours.

Ainsi relocalisé – oui, ce (gros) mot, tant mieux, est bien dans l'air du temps ! –,  mais par là devenu marginal, dissident même à plusieurs titres, le Prix Giono n'en serait que plus vrai, parce que se situant à l'écart justement, pour ne pas dire au large ; pour le moins plus fort, plus crédible en tout cas, tranchant, plus efficace donc, en vérité, ainsi décerné depuis le pays de ses origines. Donc, en le cas, plein de sens avant tout en regard de lui-même, c'est-à-dire vis-à-vis de l'œuvre, et non plus seulement commercial et honorifique envers l'éditeur et le lauréat ; celui-lui là dès lors pauvre bougre amené à se déplacer –  forcément bon gré mal gré – tel un voyageur de commerce, dans chaque petite ou grande librairie de France et de Navarre pour y faire l'article au sujet de son tout à coup célèbre petit dernier pour en faire monter les chiffres de vente.

Tout cela aux graves dépends – mais n'y pensant donc pas, ou alors passant outre ? – d'un temps encore bien plus précieux pour lui et vital pour son avenir : celui-là même de la création, de l'écriture elle-même !

Mais revenons à Manosque : oui, il serait pourtant en revanche et en effet si beau, retentissant dans toute la France, et à l'étranger jusqu'aux antipodes, que la maison Giono, ce lieu géographique idéal – parce que si intime –, incontournable, cet écrin si caractéristique, emblématique, qui fut, tout au long de l'œuvre, le protecteur des forces gioniennes en marche – à la fois leur alambic et leur arche ! –, soit celui où d'autres écrivains – et certains, bien sûr purs parisiens ou bien simples habitants de la région parisienne – y soient accueillis pour venir recevoir les encouragements, les honneurs et les avantages, de cette alors toute belle et haute récompense qui, remise comme elle l'est – hélas très cérémonieusement entre la tour Eiffel et l'Arc de Triomphe dans les salons d'un grand hôtel depuis sa création –, se trouve du coup en cela passablement étrangère à ce qui devrait en constituer la raison d'être essentielle, son sens véritable, authentique, et en caractériser tout le sel.


André Lombard
 
Articles connexes :
 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.