Bruno Bernardi et son "Rousseau et la Révolution" : quel hommage !

Et si l’origine de la Révolution française était due à un étranger ? Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, serait bien l’un des premiers auteurs de la Révolution, comme le formule, dès 1791, Louis Sébastien Mercier. En effet, si la consécration est à rechercher dans les idées des Lumières, c’est pourtant du Contrat social que ses contemporains ont reçu le principe de la souveraineté du peuple. D’ailleurs, quand ils célèbrent le serment du Jeu de paume ou la prise de la Bastille, ils invoquent les mânes de Jean-Jacques Rousseau !


2012 est le tricentenaire de sa naissance, et l’occasion de (re)découvrir que nous lui devons beaucoup... que ce soit dans notre rapport à la nature ou dans le lien indispensable entre liberté politique et égalité sociale. Une évidence que les candidats à la magistrature suprême, en cette année électorale, devraient médi-ter. Et donc aller voir l’exposition qui se tient dans la galerie des Tapisseries, à l’Assemblée nationale jusqu’au 6 avril 2012 ; et bien étudier ce livre-ci qui remet en lumière l’essentiel de l’œuvre de celui qui joua un rôle important dans la formation de l’idée moderne de démocratie. Un livre utile qui permet de restituer les différents apports de Rousseau à notre nation, étudiés en une série d’articles dus à des spécialistes reconnus.

Rousseau, laboratoire d’idées, donc, mais aussi victime de la vindicte et devant batailler pour s’imposer, et tenter de ne pas voir saborder ses concepts dont tous se réclamaient, se basant sur ses principes du droit politique lors de la rédaction des constitutions de 1791 et 1793.

Deux questions surtout, ont porté le fer dans la plaie : la relation entre religion et politique, et, plus largement, entre mœurs et société. Chaque fois que l’on abordait les questions d’éducation, de patriotisme, de vertu civique, les idées de Rousseau étaient présentes et mises en perspectives avec les pensées du siècle. Robespierre, dont  Rousseau a nourri  la  pensée, n’a pas hésité, pourtant, à s’affranchir de ses principes quand nécessité faisait loi. De même qu’à propos du culte de l’Être suprême, Rousseau n’était pas l’unique source de références de Robespierre, qui puisait aussi dans les écrits de Shaftsbury. Comme quoi, Rousseau ne doit pas être une icône figée ni un maître à penser de la Révolution mais un contradicteur, sans doute le premier d’entre eux...

 

Cependant, le symbole demeure : ses idées – reprises ou contestées, prolongées et transformées – sont sans cesse présentes lors des grands débats. Et même si les révolutionnaires sont plus des acteurs que des théoriciens, il n’en demeure pas moins que les concepts novateurs de Rousseau conservent une place importante. 

À tel point que l’Assemblée nationale, dès ses premiers jours, se voit offrir des exemplaires des éditions originales, provenant de dons de particuliers. Puis les éditeurs viennent présenter leurs nouvelles éditions. Les ouvrages de Rousseau sont alors traités comme partie constitutive des archives de la nation. 

Viendra ensuite la quête des manuscrits, une histoire pleine d’énigmes : Bruno Bernardi explique comme la bibliothèque de l’Assemblée nationale conserve aujourd’hui un ensemble exceptionnel de manuscrits de Rousseau ; Carla Hesse présente le résultat de ses travaux sur l’histoire de l’édition des œuvres durant la Révolution et Jacques Berchtold suit les aventures iconographiques du chat, emblème de la Liberté, depuis les frontispices choisis par Rousseau pour ses œuvres jusqu’à l’imagerie républicaine. 


Issus du fonds de l’Assemblée, ainsi que de prêts consentis par la BnF, le musée Carnavalet, l’Institut de France (abbaye de Chaalis), le musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency, une très riche iconographie fait de ce très bel album un outil complet pour qui se questionne sur le sujet.


François Xavier


Bruno Bernardi (sous la direction de), Rousseau et la Révolution, 160 illustrations, 225 x 285, Gallimard, février 2012, 248 p. - 40,00 €

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