Jean Marc Parisis, Les Inoubliables : Frères d’enfance

L’écrivain retrace sur le fil de l’écriture une tragédie en Dordogne, d’où de nombreuses familles juives furent massacrées

 

Ils sont cinq, quatre frères et une sœur  qui fixent l’objectif. Le photographe les a pris dans l’innocence de leur jeunesse. Et pourtant Alfred, Maurice, Jacques, Isaac et Cécile n’auront jamais vingt ans. Dix huit ans avant la naissance de Jean-Marc Parisis, ces cinq enfants juifs ont été pris par les Allemands à la Bachellerie, dans un village du Périgord où l’auteur passait tous ses étés.

« Ce qu’ils ont vu, je l’ai vu (...) plus tard. La même place, les mêmes boulangeries, les mêmes venelles, la même église, les mêmes collines. Ils se glissent hors du cadre »

 

Pour comprendre ce qui leur est arrivé et comment l’horreur est parvenue jusqu’au village de son enfance joyeuse, Parisis a enquêté, interrogé les liens et les hommes, écumé les archives et même retrouvé un survivant, Benjamin Schupak, qui adolescent échappa aux rafles et aux meurtres. En évitant toute dramatisation excessive Parisis fait œuvre, non pas d’historien même si sa documentation nous impressionne, mais de témoin, et ceci trente ans plus tard.

 

La fratrie Schenkel est décrite dans sa beauté, dans sa simplicité, avec un style qui mélange poésie et grande rigueur. On suit le quotidien de ces juifs de Strasbourg qui en Dordogne espéraient pouvoir se cacher même s’ils ne pressentaient pas toujours l’imminence du danger. Les relations entre les paysans et ces citadins sont parmi les pages plus réussies tout comme le retour empreint de grâce de Schupak à la Bachellerie.

 

L’auteur ressent une véritable amitié pour ces petits qui « viennent de l’enfance, ce vieux pays dont on peut dessiner les frontières qu’après l’avoir quitté » Alternant entre période contemporaine et années noires, Parisis se fait discret, questionnant même sa légitimité, reconnaissant que ni l’homme ni l’écrivain ne peuvent les accompagner jusqu’à la fin, le convoi n° 71 en partance pour Auschwitz.

 

« Toujours nous unit » est la dernière phrase de ce grand texte qui n’est pas sans rappeler Les disparus de Mendelsohn dans son esprit et nous interroge sans cesse sur le sens de l’écriture. Si les enfants Schenkel nous regardent, nous les regardons aussi. Et ce n’est pas le moindre mérite de ce récit tout en retenue, en pudeur et en complicité à travers le temps.

 

Ariane Bois

 

Jean Marc Parisis, Les Inoubliables, Flammarion, septembre 2014, 240 pages, 18 €

 

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