Jean-Michel Devésa : du fleuve Amour

Pour Jean-Michel Devésa la Garonne est un monde, une mer où semble rouler toujours une femme. Ce livre en devient le roman. Nous nous croirions presque chez Mauriac ou Sollers. Même si d'abord le couple est plus uni que chez ces illustres anciens. Mais très vite les "choses de la vie" du moins de cette vie se gâtent.
Le couple se défait sous le fruit de multiples rectifications, d'allers et retours devant les impasses et, résultat, l'amour n'est plus calibré chacun retourne à ses angoisses ou névroses. Même si chacun cherche à s'y soustraire en s'y aveuglant. La mobilité de l'écriture est ici une intelligence. Elle permet d'accompagner ces parcours là où déferlent les eaux du fleuve même si en ses berges semblent pouvoir retenir des attachements sans vergogne.
Les amoureux initiaux deviennent ainsi les anti-modèles de l'affection. Certes ils ne sont pas les seuls mais ils deviennent l'objet délectable – si l'on peut dire – d'un tel roman. L'auteur ne s'excite pas à les détester mais ils ne leur prêtent pas plus des grâces fussent-elles roturières. Entre emboîtements et décrochages tout avance par associations des paysages internes et externes.
La poésie voire une certaine fantaisie sont constantes. Ce qui n'empêche pas l'utilisation des mots qu'il faut – à savoir crus – lorsqu'ils sont nécessaires. Mais le tout avec un certain soyeux si bien que les pétales plissés d'une chagatte restent le porche des anges déchus ou pas.
L'écriture fouille la matière noire de divers fonds et nul ne peut dire lequel – du fleuve ou des êtres – est le plus sombre là où avec le temps la vie où en montagnes comme en bord de Garonne des loups veillent en bien des étables quand passent les cigognes.
Ou pas...
Jean-Paul Gavard-Perret
Jean-Michel Devésa, Garonne in absentia, Mollat, octobre 2021, 160 p.-, 10 €
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