Jean-Pierre Faye d’os et de nacre

Le secret de la poésie n’est pas soluble dans la glose dont certains la beurre sous prétexte qu’elle n’est pas directement assimilable. Soit elle n’a pas besoin de telle traduction, soit elle n’est que logomachie. Chez Faye les fulgurations touchent le bord afin que la raison raisonnante défaille. En « hexagrammes mineurs » ou versifications divergentes dans ce livre majeur (ou l’auteur en un DVD lit ses textes et s’entretient avec Fabian Gastellier) la langue commune perd ses repères mais le poème reste claire: il atteint à la fois des espaces ignorés (car habituellement tus) et fend l’espace et le corps.

 

Certains aimeraient taxer cette poésie d’hermétique. Or elle ne l’est en rien. Elle avance par sauts dans l’illimité de l’instant afin montrer comment il se construit dans notre dos. Demandant toujours davantage à l’impossible la démarche du poète refuse la dérive spéculative au profit du corps à corps avec le réel. Plutôt que de caresser la plainte dans le lyrisme crépusculaire l’écriture mord l’énigme – ou ce qu’on prend pour tel – dans lequel l’être est coincé en étau. Faye a toujours pensé que la solidarité et la fraternité existaient mais qu’elles ne se crachent pas en simple slogan ou affirmation de tribun ou de tribune. L’adhésion aux valeurs ne se proclame pas. Elle coule sans bord là où l’ombre portée de l’écriture ouvre à une lumière que tout lecteur imaginait si mal ou si peu.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Jean-Pierre Faye, « Poèmes…(s)  en lecture », Editions Notes de nuit, Paris, 150 p., 20 €.

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