Champ et chant brisés du récit : Jean-Pierre Faye

                   



Récit et/ou dialogue  installent dans le « récit autocritique » de Faye la différence en l’articulant. Le texte rend possible l'éclosion d’une nouvelle agitation de et dans la fiction.  L’écoulement régulier en longs laïus qui ralentissent le roman classique est court-circuité par des successions d’instants disjoints où différents personnages se succèdent et alternent en une suite d’énoncés et de tensions. La prose n’habite plus le temps en un continuum : elle  saute hors de la ligne  chronologique. Le texte avance dans la « déliaison » interne. Elle permet néanmoins au discours de se poursuivre dans la formation de ses « morceaux » déliés et réveillés, dans ses présentations déformatrices.


Le récit devient une suite de chants brisés, disséminés, suspendus car affectés par la prose du monde. Le retrait de la forme commune du roman dans la sobriété du récit de Faye fait le pari d’une alliance avec le réel dont l’écriture devient l’écho au sein de situations aussi communes qu’exceptionnelles. Le monde les entoure. Mais le lyrisme désaccordé  crée un nouage particulier entre l’intime et le politique. Il implique  la solitude et la singularité de la voix narrative suspendue à une sphère plus générale qui ruisselle de l’existence  et  apprend au lecteur  à marcher dans la rue.


Jean-Paul Gavard-Perret


Jean-Pierre Faye – Analogues, Editions Notes de nuit, Paris, 2015.

 

 

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