Jean-Pierre Mocky, "Je vais encore me faire des amis"

Alors qu’il est en passe de devenir l’un des cinéastes les plus prolifiques du cinéma français (il n’arrête pas de tourner même si, comme il l’écrit, ses films sont rarement projetés sur les écrans de l’Hexagone), Jean-Pierre Mocky est assurément en train de s’imposer comme le réalisateur ayant le plus publié d’autobiographies !

Après M, le Mocky (Denoël, 2001), Cette fois je flingue (Florent Massot, 2006), Pensées, répliques et anecdotes Le Cherche-midi, 2009) auxquels on peut ajouter son livre d’entretiens La Longue marche (Ecriture, 2014), voici donc un nouvel opus. Autant le dire d’emblée, celui-ci n’apporte pas grand-chose de neuf par rapport aux précédents. Mais cela n’a guère d’importance ; un auteur a le droit pour ne pas dire le devoir d’apposer des retouches et des compléments d’information.

Cet ouvrage ressemble fort à un film de Mocky : à la fois attachant et brouillon parce que partant dans tous les sens. L’auteur commence par y balancer quelques vérités contre le cinéma français actuel (on ne peut pas dire qu’il encense Bienvenue chez les Ch’tis ni Intouchables !) puis démarre sa biographie pour bien vite l’arrêter et entamer une série de portraits croquignolets. Avant de retrouver sa légendaire diatribe pour régler quelques ultimes comptes.

D’aucuns y verront la grogne d’un senior. Cruelle erreur. Mocky est réputé pour son franc parlé et ce n’est pas le fait d’être octogénaire qui va le calmer. Au contraire, l’âge semble raviver sa flamme et, n’ayant plus rien à perdre, il tire tous azimuts. Gens de cinéma et de la politique culturelle sont ses cibles favorites devançant de peu les culs serrés, les culs bénis et les faux culs.

Il faudra qu’un jour quelqu’un se penche sur la véracité des propos de M. Mocky. Non que je mette en doute sa bonne foi mais, le connaissant un peu, je sais qu’il a une légère tendance à l’exagération (pour exemple, il est resté moins longtemps au Conservatoire qu’il le laisse entendre). Toutefois, est-il vraiment important de faire la part du vrai et du faux ? Si Jean-Pierre Mocky a envie de s’inventer des anecdotes, des rencontres, il peut le faire puisqu’à aucun moment il ne garantit une totale véracité. Appliquant la formule de John Ford, il préfère publier la légende… qu’il a lui-même fabriquée.

La partie la plus intéressante du livre – et la plus copieuse – reste sa galerie de portraits. Qu’il encense ou qu’il égratigne, il le fait sans s’épandre. En peu de mots, il dessine une silhouette, retrace un souvenir et le tour est bien joué. Avec quelques étonnantes révélations de ci de là comme celle d’une supposée homosexualité de Michel Serrault (en revanche Mocky se garde bien de parler de l’homosexualité avérée d’autres acteurs qu’il a côtoyés !). A évoluer au cœur de cette galerie on retrouve le Mocky tel qu’en lui-même, ne cherchant pas à se faire aimer et détestant décidément caresser dans le sens du poil. Il serait amusant – mais hélas impossible – de voir la réaction de certains visés à la lecture de leur portrait. Des piédestaux s’effritent…

Sur le strict plan cinématographique, le réalisateur parle peu de ses tournages. Il signale seulement qu’il travaille de plus en plus vite et de moins en moins cher. En revanche, au cours d’un chapitre fourni, il évoque les films qu’il n’a pas faits mais qu’il aurait dû faire si le sort ou des mauvaises volontés ne s’étaient acharnés contre lui ! Les cinéphiles en prendront bonne note.

Pour terminer sur une pique – lui qui les lance si bien – je note que (p 206) Jean-Pierre Mocky se plaint de l’absence d’intérêt manifesté par les médias au sujet de Calomnies, l’un de ses dernier films. Certes. Mais il avoue dans la foulée avoir été invité sur RTL et France 3. Bien des réalisateurs n’ont même pas ce privilège !

A quand le prochain livre ? Car l’avantage des incapables et des incompétents est qu’ils ne cessent de se renouveler. Au cinéma comme ailleurs. Autant de nouvelles cibles pour Mocky, qui n’en rate pas une.


Philippe Durant


Jean-Pierre Mocky, Je vais encore me faire des amis, Le Cherche-Midi, avril 2015, 282 pages, 17 €

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