Haïti : notre Beaumont à nous, un beau village de la Grand'Anse haïtienne, fête ses 200 ans

Célébrer les 200 ans de la commune grand’anselaise de Beaumont est pour moi un sacré devoir. On est en 1888. Le président Salomon quitte le pouvoir. On rebat les cartes. Le jeune Mompelas Thémistocle Léonidas, mon grand-père, alors trentenaire, délaisse son village natal de Port-à-Piment en quête d’une meilleure situation financière.

À cheval, il tourne dos à la mer, dit adieu à la Grotte Marie Jeanne, se dirige vers Chardonnette où il prend refuge, à 5 km de Beaumont. Là, il épouse la vaillante Adélaïde Pierre, beaumontoise par proximité. À deux, ils prennent le chemin de Jérémie où ils se sont établis à la rue Capiel pour fonder une famille. Leur ancienne maison aura été donnée en cadeau à une mission évangélique. Elle est aujourd’hui le siège d’un bel édifice, l’institution Béthanie, à la fois école et église…

Adélaïde Pierre a dû être divinement fière quand son mari, mon grand-père actif dans la maroquinerie entre Beaumont et Jérémie, accède au grade de juge de paix. Plus fière encore quand en 1946 le dernier né de la famille, mon père Barthold Léonidas d’abord fondé de pouvoir, puis membre de la basoche et brillant orateur, s’est élevé, par la voie des urnes, au rang de premier citoyen de la ville. Pour Adélaïde, cela se fête. Je fête avec elle en esprit. Je célèbre ses origines et je dois une fière chandelle à Beaumont pour ses 200 ans d’existence…

Un jour, dans un petit avion prenant son vol de Jérémie vers Port-au-Prince, j’ai eu pour compagne de cordée une dame distinguée, la sœur aînée du poète Claude Pierre. Je me présente. Elle jubile. Mais nous sommes cousins. Comment cela ?
Sachez, me dit-elle, que Les Pierre, les Malbranche, les Simon, les Léonidas sont tous cousins. Ils ont la famille Pierre en partage.
Comme pour étoffer cette mirobolante histoire de parentèle, quelque temps après, deux sœurs de la Charité de Sainte Hyacinthe, du nom de Wèche, confirment que dans leur lignée ancestrale, depuis Chardonnette jusqu’à Corail en passant par Beaumont, telle une ligne de crête, il existe une belle brochette de Pierre ayant ensemencé toute la conurbation. Pour combler les archives manquantes, le bouche-à-oreille a forcément la part belle.
Que de cousins ne suis-je pas en train de dénombrer dans mon imaginaire !

Et j’ai vite fait d’aller découvrir Chardonnette, Pestel, Corail que je ne connaissais pas. En passant par Carrefour-des-avocats, Bernard Gousse, Roche Miel, Fond d’Icaque, j’ai bouclé la boucle de ces trésors oubliés de la Grand-Anse. J’ai du même coup revisité Beaumont, vieille connaissance, passage obligé des Jérémiens se rendant à Port-au-Prince. Beaumont s’est beaucoup agrandi. À tel point que Chardonnette et Mouline sont désormais sous sa juridiction. Beaumont est la terre de maints honnêtes gens. Le nom de Gabélus Jacquet, par exemple, reste gravé dans ma mémoire. Il était un bon ami, un frère à mon père qui allait souvent visiter le lieu de naissance de sa mère. L’amitié a traversé les générations. Deux des enfants de juge Gabélus sont restés bons amis de la famille. Agnès André Laforest infirmière vit au Canada. Dr Jean André médecin hygiéniste ci-devant secrétaire d’État vit toujours en Haïti. Chacun de son côté pourrait embellir cette saga en y ajoutant du sien...
Et prouver que nous sommes tous cousins.

Entre-temps Beaumont le bien nommé fête ses 200 ans. Je vénère ses beaux monts, ses frais vallons, les reflets rougeâtres de son terroir, les têtes bien faites sorties de son ventre, de ses reins, de ses ruelles, de ses sentiers. J’admire les beaux esprits que ses mamelles fécondes ont allaités et bercés. Beaumont, depuis Chardonnette, Adélaïde Pierre te salue.
Depuis Jérémie, ma ville natale, je me sens bel et bien beaumontois. Au nom de ma grand-mère paternelle, ô Beaumont, je veux te rendre un affectueux hommage.
Ave Beaumont. In perpetuum Ave !
 

Jean-Robert Léonidas, médecin écrivain haïtien

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