"Le monde selon Napoléon", pensées et répliques du petit caporal

Lorsque l’historien laisse parler son sujet

 

Après écrit (ou co-écrit) des dizaines d’ouvrages sur Napoléon (dont une excellente biographie sous-titrée Le mythe du sauveur) et le Premier Empire, Jean Tulard a décidé ici de laisser parler son principal sujet  ! dans Le monde selon Napoléon (qui vient après Le monde selon Chirac et Le monde selon Mitterrand), il se propose de recenser des paroles fameuses du Grand homme sur tous les sujets :  La Révolution, La femme, Dieu, Louis XIV (son rival ?), les juifs, le coran… Tout y passe et comme Napoléon a compté nombre de mémorialistes, on peut dire sans conteste qu’il y a matière.

 

Quand Napoléon juge le monde…

 

On peut dire que le petit caporal ne manquait pas de férocité ! s’il a bien dit « Ce n’est pas possible ; cela n’est pas français », il a pu aussi dire : « on gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus ». A travers ses paroles, on devine un art de gouverner les gens, sans illusions sur leur nature (bien que Napoléon dans sa jeunesse ait lu et adoré Jean-Jacques Rousseau) et revenu des rêves de la Révolution. Les jugements sur Talleyrand (« c’est un homme d’intrigue, d’une grande immoralité, mais de beaucoup d’esprit, le plus capable des ministres que j’ai eus ») ou Fouché valent le détour. Napoléon se veut même parfois prophétique, comme sur les Etats-Unis. Last but not least, je laisse nos penseurs et nos politiques méditer cette phrase qui prend dans notre triste actualité une résonnance certaine: « il faut endormir le fanatisme afin de pouvoir le déraciner. »

 

Cherchez la femme

 

Napoléon était misogyne et se défiait des femmes en politique : ainsi il exila madame de Staël qui avait pourtant tenté de l’amadouer à ses débuts. Pourtant, il aima une femme, une seule : Joséphine (Patrice Gueniffey y a d’ailleurs consacré de très beaux passages dans le premier tome de sa biographie parue en 2014). Il lui a écrit des lettres magnifiques : « douce et incomparable Joséphine, quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur ! Vous fâchez-vous ? Vous vois-je triste ? Etes-vous inquiète ? Mon âme est brisé de douleur et il n’est point de repos pour votre ami. Mais en est-il davantage pour moi, lorsque, vous livrant au sentiment profond qui me maîtrise, je puise sur vos lèvres, sur votre cœur, une flamme qui me brûle. » La passion dura un temps, elle le trompa et il la trompa. Mais ils formaient un couple, lui eut-elle donné un enfant qu’il ne l’aurait jamais quitté…

Et voici encore un passage significatif de l’attachement, de l’amour malgré tout qu’il lui portait : « Prends sur toi, sois gaie et porte-toi bien. Ma santé est fort bonne. Adieu, mon amie. Je souffre bien de toutes tes peines. Je suis contrarié de ne pas être près de toi. » Napoléon était parfois un homme comme les autres: ça nous rassure dans ces temps troublés, ça nous émeut aussi.

 

dédié à Eglantine


Sylvain Bonnet

 

Jean Tulard, le monde selon Napoléon, Tallandier, septembre 2015, 352 pages, 20,90 €

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