Jehan van Longhenhoven : une fièvre de cheval

Pour dire les crises de notre époque et avec un souci poétique et politique, Jehan van Longhenhoven met en scène un personnage anonyme mais emblématique : Émilienne, infirmière et Gilet jaune de la première heure. Plus intellectuelle que bien d'autres de ses comparses en dehors de ses combats elle cherche dans la littérature de quoi se rebeller face au monde tel qu'il est.
Nous sommes entrainés à sa suite jusque dans son lieu de travail  – l'hôpital – lorsqu'elle est pour un salaire dérisoire en première ligne face à l'épidémie du Covid. Cette femme comprend que la (grande) poésie est utile en de telles périodes même si elle ne suffit pas. Hölderlin oui – mais pas seulement. Et le narrateur devient l'adorateur qui rend hommage au combat et à l'existence d'une telle belle femme morte au combat.
Sa vie s’écrit à travers cette évocation dont le lecteur se rend vite compte du poids au prix de la lucidité du narrateur qui montre de quoi on ne se remet pas, dont on ne sort pas vivant. Il convient d'en tirer les conséquences.
Et cette fiction devient un cheminement c'est afin de poursuivre ce qu'Émilienne a engagé. Elle n'est plus une héroïne classique dont nous espérons que par un certain romantisme le monde ne s'efface de notre conscience. Bien au contraire.
Cette fiction est tout sauf une histoire de renoncement. En sa présence une force de résistance souffle sur le monde. Et la littérature n'y est pas pour rien. Il faut s'y laisser emporter pour trouver une émergence en regardant le monde tel qu'il est puisque nous y passons le plus clair de notre temps.
L'auteur veut ainsi retarder l’échéance de l’ombre. Il refuse que la nuit définitive devienne notre royaume : elle est trop peuplée de monstres. Il faut les vider de leurs charges, et au nom de cette femme, imaginer un possible en trouvant dans nos murs comme dans ceux d'Émilienne, une fenêtre.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jehan van Longhenhoven, Gilets jaunes et littérature, L'Harmattan, novembre 2022, 94 p.-, 11€

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