Armand Dupuy : ravaudages pour passé empiété

Armand Dupuy en retrouvant Jérémy Liron auquel il consacra une importante monographie (L'Atelier Contemporain, 2020)  revient aux éditions Æncrages & Co où  il publia Mieux taire (2012) et Ce doigt qui manque à ma vue(2016).

Les poèmes de cet ensemble – dont les premiers datent du début des années 2000 – sont pour la plupart des poèmes de rebut, insatisfaisants, partiellement oubliés, abandonnés dans des dossiers éparpillés. Ils forment une sorte d'archive négative  du ratage et du mal vu, mal dit (Beckett).

Ils ont été pour cet ouvrage repris, réécrits et assemblés par l’auteur sans savoir au demeurant si leur ensemble "tenait". C'est chose faite et bien faite et Jérémy Liron peaufine ces "boîtes" à malices.

Preuve que la poésie passe par repentirs et reprises. Sa justesse est ici le résultat de rapports contrariés avec elle-même. Dupuy y redécouvre la réalité physique de ses textes qu'il tire de la nausée et du désarroi du moment de ses tentatives avortées d'un temps premier.

Demeure désormais leur attrait irrépressible. La juxtaposition d’éléments hétérogènes crée une combinaison susceptible de restituer une vérité personnelle qui ne pouvait surgir jusque-là qu'entraperçue. Par tailles, coupes, glissades et lents dérapages sensoriels le poète a éliminé tout bourrelet sémantique. 

C'est ce qui donne la puissance et la grâce d'un tel livre à la fois support et surface d'un régime des passions. Preuve qu'il faut souvent beaucoup de temps pour accepter l'état de fait de textes qui repris deviennent capables de bien des (dé)tours de passe-passe.


Jean-Paul Gavard-Perret

Armand Dupuy, Grandes boîtes bleues, linogravures de Jérémy Liron, coll. Ecri(peind)re, Aencrages & Co, Baumes les dames, septembre 2021, 64 p.-, 21 €

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