Jérôme Attal, "Les Jonquilles de Green Park"

A treize ans, Tommy vit à Londres dans une famille  plutôt heureuse entre un père, inventeur doué mais que le succès a tendance à fuir, une mère adorable et une grande sœur Jenny, un peu chipie qui rêve de Clark Gable. Il collectionne les timbres et rêve d’être écrivain.

Mais on est en 1940 et le bonheur prend vite un goût de cendres sous les bombardements allemands qui terrifient les habitants et les forcent à rejoindre les abris.

C’est justement dans l’un de ces souterrains, la piscine de Lord Papoum, un noble du voisinage que la famille fête  Noël, la soirée de réveillon, avec  en guise de cadeaux, des bons pour des jours meilleurs, ayant été  interrompue par les alarmes.

Tandis que l’hôte exécute des figures parfaites du haut du plongeoir pour éblouir la mère de Tommy, le jeune garçon vit une expérience fabuleuse avec la belle Mila. Il lui offre des pêches au sirop, elle lui confie son désarroi : son frère odieux lui a donné un livre : Rabbit Keeping for food, ou l’art de manger les lapins domestiques en ces temps de restrictions. Or son lapin, Banana, elle y tient.

Entre Christmas pudding garni d’une pièce d’argent et la voix de Louis Armstrong diffusée par la radio fabriquée par le père,  la soirée est belle, les cadeaux virtuels. Tommy offre à Mila un bon afin que son vœu de vivre au moins jusqu’au mois d’avril pour voir, une fois encore les jonquilles de Green Park  soit exaucé.

 

Dans les rues d’un Londres "redessiné par la Luftwaffe", où l’on se repère grâce aux cratères, Tommy et ses copains s’organisent, un soir de crise, en suivant l’exemple de Churchill pour qui : "tout est question de tempérament et de cœur".

Mais parfois, les nuits sont pires que jamais. Comme celle  du 29 décembre durant laquelle la cathédrale Saint-Paul est attaquée, dans une ville ressemblant "aux forges de Vulcain". Une soirée maudite entre toutes où se termine l’enfance de Tom.

 

Dans ce roman d’initiation  où l’humour le dispute à la poésie, Les enfants, sans le savoir, vivent leurs derniers jours avant l’adolescence avec un sens du merveilleux qui n’appartient qu’à eux. 

Il est question  d’amoureux qui ont "de l’absolu plein la bouche et des barres de chocolat plein les poches", on chasse les indésirables en leur lançant : "va manger un bonbon de solitude !", on parle  "de sauce aux larmes".

 

 Avec une sensibilité exacerbée, Jérôme Attal, parolier, chanteur, écrivain ouvre au lecteur  un monde d’une tendresse fantastique et enfantine. Entre la grâce éphémère de pré-ados fans de super héros  et la  folie nazie, la délicatesse l’emporte, l’enchantement affleure à chaque page. Le fond et la forme s’accordent pour offrir un ouvrage d’une grande originalité, à la fois joyeux et grave.

Tom et ses copains qui tentent de vivre sous les bombardements  ne s’oublient pas, tandis que

L’écriture de facture classique, contribue au charme de ce livre singulier placé sous les auspices des jonquilles de Green Park : "belles. Toujours unies. Et solides dans le vent. Ne ployant jamais".

 

Brigit Bontour


Jérôme Attal, Les Jonquilles de Green Park, 

Robert Laffont, 212p, 17,50 euros 

Aucun commentaire pour ce contenu.