Jérôme Bertin : dynamique des zones grises

Jérôme Bertin dans son journal d'un fou dessine la figure d'un cas soc' qui est aussi cas d'X. Il ne vote pas, et s'il était au pouvoir se comporterait comme "la pire des vermines". Mais au sein de ses "camarades de crasse" il a d'autres chattes à fouetter et a choisi le champ et le chant des fossés là où il rencontre au milieu des chômeurs celles qu'il honore lorsque les neuroleptiques n'a pas sur lui trop d'effets narcoleptiques.

Le narrateur semble maîtriser les doses pour soulever les robes où se cachent sous des fleurs bleues de "larges jambons". Ils donne à sa représentation de monde - de moins dans ses bons jours - des motifs d'émotion et lorsqu'il consent à sortir de son bunker afin de chasser les idées noires.

Le roman avance ainsi au coeur des miasmes. Son héros les digère au sein des peuplades qu'il fait sienne et qu'il regarde avec une lucidité plus impertinente qu'il ne le laisse croire. Céline et Bukowski charpentent se représentation du monde et son aboulie est plus jouée que vécue.

A sa manière il analyse le monde en anthropologue des marges. Une fois qu'il a bien étudié ses petits pieds qui dépassent de sa "couette moutarde", il sait interpréter le monde en relisant les livres qui traînent dans son antre. Il y trouve sinon une essence du moins une substance propre à mettre à nue la machinerie humaine en évitant toute esthétisation qui serait hors de saison.

Tout avance entre l'aujourd'hui et une sorte d'atemporalité où le narrateur rêve encore un peu à "des chemins noyés de couleurs de feu d'automne". Mais il est vite ramené à un principe de réalité. Il trouve dans ce texte une traduction aussi acerbe que farcesque.

Le monde est là - en écho ses deux maîtres et Gogol lui-même. Entre deux rencontres avec un psy aussi fou que lui-même, le narrateur s'envoie en l'air. Par besoin pour le faire d'ascenseur : une montée d'escalier suffit à caresser une terre promise sans prétendre débarquer sur Mars ou Vénus. Une femme qui abandonne le lecture de Cathy Acker suffit à lui faire oublier les exploits de Romaldo et Benzema. Il faut que le chair exulte et c'est - ad libitum - comme un dernier combat. Le seul.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jérôme Bertin, Cas Soc', éditions Vanloo, Aix en Provence, 2018, 70 p., 12 euros

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