Jean-Jacques Gonzales par Jérôme Thélot : l'exercice de la photographie

Si Beckett avait eu le temps de connaître le Gonzales photographe il l'aurait mis à coup sûr dans son panthéon. Car à sa manière l'Oranais d'origine reste un étonnant minimaliste par sa désubjectivation et sa capacité à faire le vide afin que la photographie soit débarrassée des histoires de nostalgie et d'objectivité.

Il y a mieux à faire en effet. Et pour Gonzales l'image ne retient pas : elle avance. Vers l'absence et le vide. Elle cherche aussi ce qui ne voit pas encore. Le tout selon une esthétique particulière et une double postulation : envers et endroit aurait dit Camus – ou équilibre et décentrement.

L'objet (plus que sujet) est rendu présent dans son rapport à la disparition ou par le fait qu'étant au bord de l'image il en déborde. D'où cette construction mentale chez le regardeur moins d'un implicite hors-champ qu'un texte que celui-là doit photo-graphier par son imaginaire.

Dans cette dialectique ou tripode du vide, du plein et de l'écart, l'objet prend une valeur particulière d'épanouissement et d'absence. D'autant que chez ce méditerranéen le noir et blanc abstracteur de quintessence est préféré à la couleur, de même que la disparition – ou une abstinence certaine – de la figuration humaine.

Tout joue entre affirmation du monde et une forme d'absentement  : ce qui donne à de telles images un sens poétique de premier plan. Et c'est pourquoi un  tel ouvrage est étonnant. S'y comprend combien photographier n'est pas produire un acte passé mais un acte d'abrasion. Il suit la séparation par l'interstice d'une vision poreuse héritée de Camus comme de Mallarmé dont Gonzales répercute le "Coup de dé" dans l'irréversibilité de nos miettes.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jérôme Thélot, Le travail photographique de Jean-Jacques Gonzales, L'Atelier Contemporain, mars 2020, 200 p.-., 30 €

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