Tandis que je me dénude de Jessica Nelson : Quand la télévision tue

Angelina, professeur, se trouve l’invitée d’une émission en vogue, car elle a publié un premier roman remarqué, Bébés de brume. Cette jolie jeune femme devrait exulter, mais juste avant d’entrer en scène la panique la gagne. « L’Ombre », comme elle appelle son angoisse réclame son dû.

 

En quatre-vingt-dix minutes de terreur crescendo Angie  revisite son passé. Qui est elle vraiment ? Une ancienne anorexique ? Une intello ennuyeuse ? Une allumeuse ?

 

Pour tromper sa peur, la jeune auteur observe ses compagnons de plateau. Il y a là la miss Météo, le bouffon chroniqueur ancien trader, le présentateur qui carbure à la coke, le député fou de sexe, une starlette prête à tout pour la gloire et des membres du public choisis pour leur télégénie.

 

Jessica Nelson  connaît le pouvoir des images et l’univers impitoyable de la TV et nous guide d’une main de maître dans les coulisses. Attachée de presse, éditrice, blogueur hostile sont très bien croqués. Son héroïne dont l’enfance a été ternie par un séisme dont elle ne peut parler semble se fissurer de l’intérieur en direct, comme une poupée russe que l’on briserait. Sa sœur, sa meilleure amie, son ex viennent à la rescousse nous livrer quelques facettes de son personnage.

 

Dans ce roman choral, les interrogations sont multiples. Quel est le mystère dont Angie  s’entoure ? Et pourquoi cette haine de soi, qui sous des dehors calmes et lisses, semble sur le point de tout renverser sur son passage ? Réflexion sur le pouvoir des images et des réseaux sociaux, interrogation sur la notion de vie privée à l’heure de la transparence obligée, coup de gueule contre l’égocentrisme forcené de ceux qui font de la TV, Tandis que je me dénude est un peu tout cela à la fois. Avec Angie, Nelson a trouvé une héroïne fragile et sensible « fendillée de l’intérieur » qui touche profondément. On aimerait la consoler, lui dire d‘être moins dure envers elle même, d’arrêter de se comporter comme sa meilleure ennemie. Et aussi d’éteindre aussi sa TV, ce média cannibale qui avale ses proies.

 

Ariane Bois

 

Jessica L. Nelson, Tandis que je me dénude, éditions Belfond, août 2015, 237 pages, 17 €

 

> Lire également la critique d’Anne Bert

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