Brillant comme une larme : brillant, tout court

En ce printemps 2017, à Saint-Maur, la guerre est loin. Les lilas embaument, les jeunes filles protègent leur teint du soleil avec des ombrelles en dentelle. Raymond, un collégien "en vacances depuis  trois ans" à cause du conflit est amoureux. Il a quatorze ans, elle en a vingt quatre. Elle est institutrice, se morfond, rêve d'une autre vie  tandis que son fiancé est au front.

Il est pressé, il se vieillit de trois ans pour lui plaire. Leur romance des bords de Marne comme sortie d'un album sépia est aussi intense que brève. Très vite, Raymond s'ennuie, déjà happé par la vie parisienne et ses figures.

Il a un culot monstre, ne recule devant rien. Au journaliste de l'Intransigeant qui publie les dessins de son père, il propose les siens. Son succès va être fulgurant. Les fées se penchent sur ce nouveau Rimbaud qui envisage la vie comme un festin. C'est d'abord Max Jacob qui  tombe sous le charme de l’adolescent de quinze ans. Bientôt, ce sera Jean Cocteau. Quand il le rencontre, il est sûr que "cet homme va changer sa vie, son destin, sa mort".
Il ne se trompe pas. Le poète lui ouvre les portes des salons et des éditeurs. Il le discipline et tente de lui faire mener une vie plus saine. Car son protégé a un faible : les femmes. Il a parfois deux liaisons à la fois qu'il ne sait comment gérer. Il a un talon d'Achille : l'alcool ; une   certitude : celle que le temps lui est compté : il mourra à vingt ans.

Raymond, c'est Raymond Radiguet, la révélation de l'immédiat après-guerre. L'auteur de deux romans incandescentsqui firent scandale : Le diable au corps et Le bal du comte d'Orgel
En trois ans, il a rencontré, séduit, fasciné, ou été détesté par les plus grands : Picasso, Modigliani, les Hugo, Gabrielle Chanel, André Breton…Personne ne restait indifférent à cette étoile filante, ce météore surgi de nulle part.

Dans Brillant comme une larme, un titre emprunté à Cocteau, Jessica L. Nelson restitue l'ambiance  de ces années folles qui virent un gamin débuter une ascension qui ne devait pas finir. 
Dans le tourbillon et l'euphorie de l'époque, elle décrit un garçon acharné à réussir, conscient de sa mort prochaine. Un jeune homme tourmenté en proie à des cauchemars terribles, allant au bout de ses forces. Brillant, autodidacte, acharné, il sait confusément qui rencontrer, comment séduire mais sans aller trop loin ni froisser ses protecteurs homosexuels comme Jacob ou Cocteau,  très épris de lui.

Roman et non biographie, malgré sa grande précision historique, le livre énergique et bien écrit, fait redécouvrir derrière l'icône un peu oubliée des bibliothèques, un tout jeune homme, bouillonnant de vie et de talent.

Brigit Bontour

Jessica L.Nelson, Brillant comme une larme, Albin Michel, janvier 2020, 321p.-, 19 euros

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