Joann Sfar & Salvador Dali : une seconde avant l’éveil

Quand en 1939, Salvador Dali publia sa déclaration d’indépendance de l’imagination des droits de l’homme à sa propre folie, claquant par la même le bec des censeurs qui tentaient de lui faire quelques crocs-en-jambe, il ne se doutait pas qu’un auteur de BD allait lui rendre hommage plus de soixante-dix ans plus tard… Et cela de deux manières distinctes – mais enchâssées l’une l’autre en clin d’œil aux manigances daliennes en matière de création : ne rien s’interdire, tout mélanger, et travestir le résultat en œuvre d’art.

 

Ainsi s’article tout d’abord une exposition à l’Espace Dali, jusqu’au 31 mars 2017, dans laquelle se mêlent planches au dessin noir & blanc, sculptures désarticulées, totems de Dali, créations de Haute couture de Schiaperelli et autres loufoqueries qui donne à voir une drôle de rencontre avec ce diable d’ibère que Brassaï appelait « l’explorateur aussi hardi que lucide de l’irrationnel ».

Le visiteur, en effet, sera plongé dans le bain d’irrationnel auquel il s’attendra, à n’en pas douter, Dali étant tout sauf un artiste classique ; donc vous pourrez en toute quiétude voyager immobile comme cet autre peintre, Seabearstein, clone de Sfar et pendant de Dali – ou l’inverse ? – qui évolue entre rêve et réalité, écrit en dessinant, entouré de ses quatre modèles, nues. 

 

La femme, habillée de haute-couture sera « un vecteur d’adoration du sensible ».

 

Pour les fans de Sfar, ils recouvreront avec plaisir dans une nouvelle BD l’insolent Seabearstein qui sort enfin de son exil d’artiste maudit pour participer à une expérience artistique hors normes : combattre l’obscurantisme. Ainsi, le voici invité lors des défilés de Haute couture parisiens pour ressusciter Dali. Lequel n’est pas mort, mais maintenu en vie dans un grand congélateur. Les temps sont alarmants, le Mal progresse, il faut donc réveiller le seul prophète non-religieux pour sauver l’humanité.

Pas moins.

 

Avec son dessin caractéristique, Sfar manie le grotesque et la poésie, donnant à lire une farce mystique contemporaine teintée de cynisme qui rappelle certaines œuvres de Dali, rejouées dans le manoir avec ses quatre modèles.

 

François Xavier

 

Joann Sfar, Fin de la parenthèse, 232 x 312, Rue de sèvres, septembre 2016, 112 p. – 20 €

Aucun commentaire pour ce contenu.