Reflet d’une psychologie tourmentée dans le nouveau roman de l’Argentin Federico Jeanmaire : Vie intérieure

Il ne s’était pas trompé.
Plus que charmée par cette première lecture, la parution d’un nouvel ouvrage de Federico Jeanmaire a naturellement attiré mon attention.
Un homme, un touriste argentin, est en voyage au Mexique, à Oaxaca, berceau de la civilisation zapotèque. Sa petite amie Finlandaise est malade, alitée durant la totalité de leur séjour. Il se laisse aller à ses rêveries, tente de s’occuper, en vain. Il doit prendre une décision. Il aura l’occasion d’expérimenter le temazcal, un bain rituel maya destiné aux anciens, grâce auquel sa détermination se verra renforcée…
Nous retrouvons à travers ces lignes un style particulier, aux longues phrases narratives, la plupart du temps au discours rapporté, entrecoupées de phrases nominales très courtes. Parfois même un mot. Le contraste au sein même de l’écriture reflète une psychologie compliquée.
« Du concret, il passa à l’abstraction. D’un seul coup. Sans s’en rendre compte et presque sans se l’être proposé.
La beauté et la laideur
ne dépendaient-elles que d’un état d’âme particulier ? Pourquoi le beau
pouvait-il si vite devenir laid ? N’avait-il pas lu de nombreux traités sur
la beauté, qui supposaient qu’elle n’existait qu’à travers la raison ?
Dans ce cas, quelle incidence la raison avait-elle sur l’effet d’une image
capable de transformer tout l’univers en quelques millièmes de seconde ?
L’homme en conclut, trop précipitamment ou non, que le monde était une construction personnelle. Pas davantage. Rien de plus.
Une construction très précaire.
Trop précaire. »
La
force de ce roman psychologique est favorisée par la focalisation interne et
par l’ensemble d’une situation d’énonciation propre à un esprit enfermé dans des
conditions qu’il ne supporte plus. Nous retrouvons également un point commun
avec son autre roman : une narration à huit clos. Un lieu unique, une
chambre d’hôtel, le centre d’une relation décadente. Les rares échappées de cette
chambre révèlent l’instabilité permanente de l’homme.
Une histoire d’amour qui tourne mal et un récit psychologique axé sur un personnage aux sentiments contradictoires. Toute l’ambiguïté d’une relation amoureuse basée sur des projets de vie opposés se dévoile, un jour ou l’autre, et l’amour et la folie des premiers temps s’estompent puis les différences finissent par ressurgir.
L’avenir proche
détermine la narration grâce à un fil tendu entre un présent instable et un
futur inenvisageable pour celui qui cherche à ne pas heurter l’autre. Au sein
du couple, chacun pense que les efforts et les changements émaneront de l’autre.
Seulement la rencontre avec la réalité devient inéluctable.
Si mon ami m’avait dirigé vers la lecture de Plus léger que l’air, c’était sans aucun doute à raison. Toutefois je ne pourrais en faire de même et lui conseiller Vie intérieure comme un bon bouquin prenant jusqu’à la moelle.
Elodie Blain
Federico Jeanmaire, Vie intérieure, Traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon, Editions Joëlle Losfeld, octobre 2013, 20,50 euros.
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