Khadi Kane, "Demain, si Dieu le veut" ou le drame de la Chinafrique

Court et d'une incroyable densité politique, Demain, si Dieu le veut de Khadi Kane nous propose une vision désenchantée mais oh combien vraisemblable du Sénégal coincé entre les despotes locaux et l'archipuissance chinoise, qui remplace petit à petit les anciens colons occidentaux. 

Patrick, le grand frère de Joseph Diouf, le narrateur, est mort, sans doute tué par des marins chinois. Il a promis de le venger et, chose faite, le voici en prison, où le roman s'ouvre. A cette injustice morale s'ajoute l'expérience carcérale et la découverte de son homosexualité — il sera l'amant de son compagnon de cellule pendant vingt-cinq ans d'une incarcération inhumaine.

Le drame est à la fois social — misère des indigènes exploités par les nouveaux colons — et personnel, Joseph ayant "abandonné" les siens et surtout sa mère qui lentement tombe dans la folie, son impossibilité de retrouver une place dans la société, et finalement sa propre folie quand il n'a plus qu'un pigeon pour compagnon... 

Une partie du récit se déroule à Paris, après que Joseph ait pu s'y rendre pour raison de santé, et découvrir enfin ce Parc Monsouris dont son père lui avait parlé. Et si la narration volontiers décousue peut surprendre le lecteur, elle est une des forces de ce roman dérangeant et poétique qui pose sans concession le drame d'une Afrique en coupe réglée par l'envahisseur économique sur fond de despotisme et de misère africaine.


Loïc Di Stefano

Khadi Kane, Demain, si Dieu le veut, Joëlle Losfled, octobre 2015, 159 pages, 15,90 eur
Aucun commentaire pour ce contenu.