Jonathan Littell, plus dure sera la suite

Comment se relever après un tel coup ? Car il n’y a pas que les lecteurs qui furent assommés, estomaqués, retournés sous le choc – littéralement – après avoir lu Les Bienveillantes, tant ce livre extraordinaire, livre-somme, embrassait l’univers dans son entier, le monde mais aussi l’Homme dans toute sa fragilité et son ambivalence, sa violence et son amour ; roman terrifiant qui analysait au plus juste l’âme et ses antiennes perpétuelles, ses affinités électives et ses dérives perverses, que personne n’en sortit indemne et encore moins son auteur…
Ainsi Jonathan Littell se devait d’être l’homme d’un seul livre ; tout le moins d’un roman – comme Norman Jewison fut l’homme d’un seul film, L’Affaire Thomas Crown – car ayant touché au sublime, à la perfection, il ne pouvait que faire moins bien. Une fois le sommet atteint, on ne peut que redescendre…

Si Littell parvint à conserver la vibration de son écriture et la justesse de son style dans les essais, notamment Triptyque. Trois études sur Francis Bacon, il s’avère que la source romanesque s'est tarie, qu’elle soit à peine esquissée comme dans les nouvelles publiées chez Fata Morgana, ou revue à la hausse dans une nouvelle tentative de reprendre l’existant – avec cette Vieille histoire – on constate que le souffle n’est plus là, que les idées se mélangent et fixent une redite quand l’écriture pâtit d’un manque cruel de force.
Quid du souffle de 2006 ?
On ne fera jamais un procès d’intention à un marathonien qui veut se remettre à courir après un succès, c’est humain, c’est le jeu ; par contre, on blâmera l’entraîneur – ici l’éditeur qui ne flaire rien d’autre qu’une entrée d’argent facile en misant sur un nom banquable – car trop, c’est trop !
 

Cette nouvelle version n’est rien d’autre qu’un exercice – raté – de mises en situations d’un personnage qui se voudrait le double de Littell et qui fait plutôt penser à un homme victime de la crise de la cinquantaine mal digérée. Les scènes pornographiques se succèdent sans aucun intérêt narratif ni littéraire, que monsieur fasse l’amour, bande mou devant une jeune femme scarifiée ou se fasse sodomiser par des hermaphrodites lassent très vite ; quant aux scènes d’horreur avec crocs de boucher et enfant sacrifié, cela dégoûte. Que le jury du prix Sade se soit reconnu dans ses élucubrations dignes d’un adolescent frustré, soit ; mais que l’on nous le présente comme le nouveau chef-d’œuvre de Jonathan Littell, non.

François Xavier

Jonathan Littell, Les récits de Fata Morgana, Folio, octobre 2019, 240 p. – 7,40 €

Jonathan Littell, Une vieille histoire – Nouvelle version, Folio, octobre 2019, 400 p. – 8,40 €

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