Maurice Ronet, le splendide désenchanté

J’avais une certaine tendresse pour Maurice Ronet.

Un jour, je me suis rendu à Bonnieux, pas très loin de chez moi, pour aller voir la maison où il avait habité et l’endroit où, désormais, il repose. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai fait cela. Pas dans mes habitudes. Je ne l’ai fait que pour Gérard Philipe et Lino Ventura. Cette fois-là, j’ai poussé l’envie jusqu’à parler de Maurice avec des villageois. Ils s’en souvenaient comme d’un monsieur, souriant, discret, plus provençal que parisien.

Aujourd’hui, une biographie lui est consacrée et c’est tant mieux. De son vivant, Maurice avait édité un livre d’entretiens (Le Métier de comédien) avec son ami, Hervé Le Boterf mais cela restait bien peu pour un comédien de sa trempe.

José-Alain Fralon a décidé de retracer son parcours. Il le fait à sa manière. C’est-à-dire en parlant tout autant, si ce n’est plus, de son enquête que du résultat. C’est un travers journalistique de plus en plus répandu. Comment l’auteur a-t-il obtenu son information ? Dans quelles circonstances ? Quelles furent ses réussites et ses mésaventures ? Personnellement, je n’aime pas trop qu’un cuisinier vienne me raconter comment et où il a trouvé ses poireaux. Ce qui compte c’est qu’il y a dans l’assiette.

Or, dans cette assiette, il y a heureusement, Maurice Ronet. Ou plutôt il n’y est pas puisque l’homme était fuyant, peu disert et pas du tout désireux qu’on s’occupe de son passé. Une sorte de dilettante qui fit du cinéma et du théâtre pour reprendre l’enseigne familiale (c’est un enfant de la balle) ; une sorte de vaisseau fantôme qui traversa les arts vivants en surgissant entre deux bans de brouillard.
José-Alain Fralon évoque ses films et ses femmes, ses triomphes et ses prestations moins glorieuses. Sans oublier les tumultueuses liaisons que Ronet nouait avec la dive bouteille. Les témoins sont appelés en renfort.

Bien entendu, tous les films ne sont pas disséqués. Les classiques (Le Feu follet, Ascenseur pour l’échafaud, Raphael le débauché, La Piscine…) ont droit aux places d’honneurs, les autres sont délaissés voire carrément passés sous silence. Car Ronet eut une carrière en dents de scie. Peu soucieux de laisser une trace ni même d’accéder aux premières places du star-système, il mena sa barque avec une certaine indolence au gré de ses envies. Ce qui le rend encore plus attachant.

A lire ce livre, on se rend mieux compte que cet acteur se situait dans la marge. Jamais complètement dans le cinéma mais jamais totalement éloigné. Son cœur le portait sans doute plus vers des œuvres personnelles, comme Bartleby qu’il réalisa, son dandysme l’entraînait vers une certaine facilité, vers des ailleurs qu’il éclaira de sa douce présence.
Un ouvrage qui permet de cerner un peu mieux la personnalité d’un homme qui ne voulait surtout pas être découvert.

Philippe Durant

José-Alain Fralon, Maurice Ronet, le splendide désenchanté, Equateurs, octobre 2013, 284 pages, 20 €

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