Maël Guesdon a notamment publié Voire (José Corti). Avec Marie de Quatrebarbes et Benoît Berthelier, il coordonne la revue La tête et les cornes. Auteur d’une thèse consacrée à la ritournelle chez Deleuze et Guattari (EHESS, Paris, 2016), il enseigne à l’École supérieure des Beaux-Arts de Bordeaux.

Mon plan est une forme de récit resserré dans les lacunes d'une "histoire" très particulière qui devient la carte d'un territoire tout aussi spécifique. L'auteur guide son interlocuteur avec une précaution inquiète au sein des "choses" et à l'épreuve du temps : On attrape une chose par un bout, on tient par ce bout la chose se repliant. L’autre versant s’éloigne sans arrêt mais il reste de temps en temps ce qui la retient.

D'où cette avancée, cette trouée, parmi les choses tombées ou revenantes qui obstruent le cours du temps, ou le font hoqueter. Dès lors l'auteur accorde ses conseils à l'imprudent scripteur  qui fait le plein d’images taillées et de représentations quelconques de ce qui n’existe ni sur ni autour de ton plan.

Il s'agit d'éviter de couper les fils ténus qui retiennent l'être au temps et plus précisément de procéder comme l'auteur : Je trace la ligne d’arrivée derrière mon point de départ et je ne bouge plus. Dès lors tout est possible au scripteur. Même de s'emparer d'un  bœuf et d'un âne étrangers s'ils s’avèrent tellement gros qu’ils déséquilibrent complètement l’espace où tu te trouves. Mais par contre-coup un tel auteur doit accepter de se faire spolier au moment où son propre âne et boeuf se transforment en pierre, rivière ou forêt.

Tout écrivain n'est donc jamais d'équerre. Car même sans bouger, on ne reste jamais tout à fait immobile. L'écriture déplace forcément les lignes. Et ce livre devient moins la résolution du problème de scripturographie que l’exposition de ce que cela suppose en différents instants. L'auteur y cherche son chemin dans la matérialité des choses, des êtres et du texte et ses mouvements de paroles. Celles-ci opèrent creux et trous dans la surface des choses par ce que peut produire un corps. Celui-ci sonne à travers les mots au sein d'une expérience matérielle et vivante avec rythmique et souffle afin que naisse la poésie efficiente.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Maël Guesdon, Mon plan", coll. Domaine français, José Corti, octobre 2021, 96 p.-, 16 €