L'extase du temps et de la vie : Cécile Odartchenko

L’écriture de Cécile Odartchenko ne se situe pas dans l'indicible mais au sein  la matière même des émotions et de la sensualité au fil du temps et des rencontres. La créatrice s'empare des arpents de tous ce qu’elle a vu, connu afin de créer son propre ordre ou désordre mental afin d’en retirer ce qu'elle métamorphose dans un langage mobile. Il devient la métaphore agissante et obsédante de l’existence.

Sans exhibitionnisme mais sans fausse pudeur, l’auteur dit tout : les terreurs éprouvées concernant son propre corps et le désir de ce qui différence la femme de l’homme : Cette pièce essentielle à mon édifice, le mât de ma barque.
Les mâles - on le comprend – traversent ces journaux intimes. Amants ou épistoliers, compagnons en poésie. Pour le meilleur et pour le reste aussi. Au nom de l’injonction première : pleurer et jouir.

Dans ce maelstrom – et comme tout être – la romancière, plasticienne et désormais diariste perd parfois ses repères : elle devient une égarée. Elle l'accepte. Comme elle accepte l’ombre qui la brûle car dit-elle,  l'intimité sexuelle est une vraie intimité et donne des droits à l'homme et à la femme aussi à parts égales […] Celui qui pour des raisons de confort et de lâcheté, ignore ces raisons du corps, va en être émasculé à court ou à long terme… Il se refuse à jouer le jeu, et le jeu est cruel.

Il sera temps plus tard de contempler le trou qu'il laisse et de manger son poing sur l'étale du jour. Restent parfois encore un magma de sang au goût de pierre, un tremblement figé en bordure des mots. Mais il faut reprendre afin que l'entente revienne. Elle renaît d'un présent toujours entier. La nuit n'est plus ce désir lancé vers l'autre mais l'attente de sa lumière. Afin que le cœur batte encore la campagne.

Et chez l'octogénaire il bat. Car elle est plus vivante que jamais. Son journal des "confins" de début d'année le prouve encore. La créatrice demeure séduisante autant dans sa puissance d'analyse que la force de l'écriture.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Cécile Odartchenko, Journal (1999/2003), Propos2éditions, juin 2020, 600 p.-, 28 euros & Confins, Propos2édition, février 2020, 102 p., 15 euros

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