Shelley, La Révolte de l’Islam – Un poème en douze chants

Poète maudit, poète visionnaire, poète prolifique, Percy Shelley n’aura pas fini de marquer les esprits même bien des décennies après sa mort ; Percy le fou qui racontait ses hallucinations, faisait enrager tout son entourage mais surtout voulait demeurer libre quoiqu’il lui en coûte, rien à faire de la société victorienne bien pensante. Et surtout le sort fait aux femmes lui est insupportable ! L’exil alors comme seule porte de sortie, quitter cette Angleterre honnie au plus vite… mais il sera aussi chassé d’Irlande et trouvera refuge en Italie. Il parcourra le pays de Venise à Rome puis Naples, errant malgré lui, jusqu’à son naufrage. Il mourra noyé, son corps étant rejeté par la mer. Il sera incinéré sur la plage mais son corps refusera d’entièrement se consumer : son cœur demeurera, que Mary conservera dans une boîte : cœur poétique indestructible.

Laon et Cythna ou la Révolution dans la Cité d’Or fut le titre premier de cette ode aux femmes que Shelley écrira en hommage à Mary, la mère de Frankenstein qu’il préfacera, d’ailleurs. Shelley avait la rage au ventre contre le machisme de son époque. Il écrivit alors ce poème-hymne, véritable pamphlet qui met en lumière son désir vif et inaliénable de se battre pour la liberté des femmes !
Plus de 4500 vers écrits en six mois avec des périodes d’euphorie suivies de longs abattements… comme si Shelley se battait en lui aussi fortement qu’il défiait la société contemporaine, le champ politique, marquant très précisément dès le premier chant sa vision du Bien et du Mal. L’aigle dominateur et le serpent opprimé se disputent le ciel, et leur affrontement fait trembler les bases du monde…

Mais il y a aussi nombres d’éléments autobiographiques qui peuplent les vers de Shelley, exprimant la hantise de sa vie, l’angoisse du double :

 

(…) et la pensée ne pouvait distinguer
Le monde réel de ces diables emmêlés
Qui ricanent entre eux, de sorte que je voyais
En chaque ombre ma propre forme
Hideusement multipliée.

 

Le lecteur suivra la passion révolutionnaire de Laon, l’amour incestueux hors mariage, les enfants retirés à leurs parents par la tyrannie d’Othman et, enfin, l’expérience de la folie que traversent les deux amants… Quand on connaît un peu l’histoire du couple Shelley, fort bien raconté par Judith Brouste, on ne peut que faire le parallèle entre la vie très mouvementée de Shelley et la transposition qu’il en fit dans ses vers ; sans doute une raison de plus pour que le scandale le pousse, dès la parution, à quitter définitivement l’Angleterre.
Une belle édition en version bilingue, de quoi recouvrer le goût pour la langue de Shakespeare.

François Xavier

Percy Bysshe Shelley, La Révolte de l’Islam – Un poème en douze chants, traduit de l’anglais par Jean Pavans, édition bilingue, préface de Judith Brouste, Poésie/Gallimard n°517, septembre 2016, 624 p. – 12,80 euros

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