Du facteur-poète Jules Mougin : Absolument !

Je croyais ferme avoir déjà publié cette page de souvenir personnel quelque part. Mais comme il n'en est rien, la voilà donc, tout simplement !
L’inénarrable faconde du facteur-poète Jules Mougin lui a parfois valu, ici et là, une solide réputation de bavard impénitent ; tout particulièrement auprès de celles et ceux qui, en fait, ne savaient pas l’écouter, ou ne comprenaient rien, pas grand chose, à ce qu’il leur disait ; peut-être à cause de sa façon – très théâtrale, certes, mais pas que – de s’exprimer en fait fort souvent corps et âme, tout entier. Ce qui, n'est-ce pas, n'est pas le langage courant !
À ce propos, je me souviens justement, par exemple frappant, que m’interrogeant tel jour à brûle-pourpoint sur mon amour et ma vénération pour la haute Provence, je lui avais aussitôt répondu d'enthousiasme que j'aimais ce pays absolument !
Que n'avais-je pas dit là ! Car Jules s’empara de l'adverbe à peine sorti, encore chaud, de ma bouche, encore en vol presque, et se mit tout de go à le prononcer, pour lui et pour moi, le répétant à l'envi sous toutes les formes, sous toutes les sonorités, dans toutes les variantes, qui lui venaient spontanément et qui m'apparurent sur-le-champ, à mesure, comme étant les multiples facettes d’un unique et même cristal.
Cela, simplement en répétant et faisant à chaque fois sonner l'exclamation différemment – je le vois et l'entends encore ! –, doigt levé, à voix haute, ou aussi bien chuchotant, tantôt très sérieux ou alors quasiment délirant, mimiques de ravissement ou d'extrême gravité comprises !
Absolument ! prenait ainsi, en direct, à la fois une densité et une vérité pour moi soudain toutes neuves et, je dois le dire, à jamais irradiantes. Alors, depuis, je me tiens donc pour dit qu’à ce moment-là, si Jules, ce jour-là, ne réinventa pas à proprement parler l'adverbe, il le revisita en fait de fond en comble jusqu'à le faire reluire et briller pour moi comme un sou neuf, en poète d'exception qu'Artaud lui-même n'aurait, pour le coup, certainement pas contredit  !

André Lombard
 

Bibliographie non exhaustive :

  • À la recherche du bonheur, éditions Debresse, 1934
  • Usines, Le Sol clair, 1940 ; réédition Plein chant, 1987 (collection Voix d'en bas)
  • Faubourgs, 1945, (compte d'auteur)
  • Visage découvert, hors commerce, 1948
  • Pèlerine au vent, Éditions du Pluralisme, 1949
  • Le Saladier à la houppe, hors commerce, 1951
  • Poèmes, éditions Robert Morel
  • 143 poèmes, Lettres et cartes postales, éditions Robert Morel, 1961
  • La Grande Halourde, éditions Robert Morel, 1961
  • Mal de cœur, éditions Robert Morel, 1962
  • Le Comptable du ciel, éditions Harpo &, 2011 (ISBN 978-2-913886-78-0)
  • Chaissac-Mougin : une correspondance. Éditions Travers-Philippe Marchal. 2012
  • Jules Mougin, bien des choses du facteur : catalogue publié à l'occasion de l'exposition Jules Mougin, la révolte du cœur, Médiathèque du Pontiffroy, Metz, 2 juillet-17 septembre 2005, 109 p.

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