Julien Green fait voyager dans les lieux improbables mais délicieux de dépravation. C'est une révélation : ce somptueux journal fait découvrir le face cachée de l'écrivain. Car sous la coque du romancier existe son double inattendu, trouble mais caché qui explose et "sexpose" dans son activité de diariste.

L'auteur propose des commentaires dus à sa mélomanie mais pas seulement. L'opéra a pour lui une grande importance comme d'ailleurs le ballet. Mais s'il hante leur lieu avec sa mère comme avec Jean Cocteau ce n'est pas seulement pour l'amour de l'art : celui des garçons y est pour beaucoup.

Le texte était jusque là inédit dans son intégralité. On en parlait depuis longtemps mais cela restait une sorte de serpent de mer. L'auteur ne voulait pas le publier de son vivant (on comprend facilement pourquoi)  sans pour autant en interdire la parution posthume.
Julien Green n'était pas qu'un écrivain catholique. Son  journal possède un aspect cru et érotomane. Il existe là mille et une histoires dites "de cul" qui obligent à relire les romans (un peu oubliés) selon un nouvel angle.

Robert de Saint Jean son compagnon est présent mais il est loin d'être le seul... Le jeune américain du Sud née à Paris en 1900 de parents américains qui s'est converti au catholicisme suite à une crise mystique fait preuve ici de beaucoup de désirs.  Et c'est un euphémisme. Se découvre la vie sexuelle des plus débridée.

Le journal (du moins dans ce premier tome) est un relevé littéraire plus conséquente quantitativement de ses pratiques amoureuses que de son évolution spirituelle. La première prend largement le pas sur la seconde. La vie  homo ne sonnait ni préjugés, ni limites. Juste ça et là une once de remords. Mais Green transgresse tout ordre de chasteté : il reste comme il l'écrit le "chasseur" avide de partages multiples dans bien des jeux libertins.

Jean-Paul Gavard-Perret

Julien Green, Journal Intégral, tome 1 -1919-1940, Bouquin-Laffont, septembre 2019, 1376 p-., 32 euros