La méthode de création de Karen Mantler est empirique.
Elle peut se le permettre car elle a derrière elle un important background
d’enfant de la balle. Fille de Carla Bley et de Michael Mantler elle a
travaillé avec eux commeavec Robert
Wyatt et bien d’autres pour divers albums. Créant « à l’instinct » mais sans
cesser de questionner le travail commencé dans le feu de l’action elle produit
des œuvres ( le titre du dernier album le rappelle) qui se soucient guère des
lois commerciales. Celles-ci le lui rendent bien : ses avant-dernières
productions datent du siècle dernier !
L’artiste reste néanmoins adepte de la vitesse afin
que les créations volent sans s’alourdir du conditionnement culturel. Karen
Mantler se jette à l’eau comme une nageuse qui une fois dans le bain avise.
L’imprévu, le désordre, le contretemps deviennent des facteurs d’inventivité, le
but n’étant pas d’obtenir une musique conçue par avance mais de découvrir celle
qui emporte vers des terres inconnues. Si un titre réalisé ne lance pas à
nouveau l’esprit et l’émotion de l’artiste en mouvement elle l’élimine sachant
néanmoins faire preuve de patience dans cette seconde phase de son travail -
l’esprit critique n’est pas toujours aussi perspicace qu’il n’y paraît un jour
précis. Les sets conservés fascinent. Ils sont choisis sans auto-condescendance.
Se révèlent des turbulences de bien des profondeurs souvent angoissantes que la
voix nonchalante de l’artiste ponctue et sublime.
Jean-Paul Gavard-Perret
Karen Mantler, « Business is bad », label ECM, 2014
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