Claude Lelouch, le Dictionnaire de ma vie

Claude Lelouch, mot à mot


Les éditions Kero proposent une nouvelle collection sous la forme de dictionnaire. Des personnalités sont amenées à parler d’elles, de leurs gouts, de leur vie à travers des rubriques de leurs choix classées par ordre alphabétique. Comme un dictionnaire mais sans aucune définition ! L’idée n’est pas nouvelle (en 1988 apparut un abécédaire de Marlène Dietrich, en 2005, Georges Lautner se plia à cet exercice) mais a été habilement remise au goût du jour. Le résultat est plaisant.


Parmi les gens de cinéma à ouvrir le bal figure Claude Lelouch.


On a le droit de ne pas aimer Lelouch (ses films sont très inégaux, sa personnalité peut se révéler parfois grinçante) mais on n’a pas le droit de nier son importance dans le cinéma français. Il y eut Un homme et une femme, bien sûr, mais aussi d’autres réussites incontestables de la trempe de L’aventure c’est l’aventure, Itinéraire d’un enfant gâté… Donc M. Lelouch est un cinéaste important qui connait son métier et ne dit pas que des fadaises.


Ayant déjà beaucoup parlé de sa vie à travers des livres précédents, il profite de ce nouvel opus pour prendre du recul. Certes, il continue de livrer, de ci de là, quelques anecdotes (notamment sur Un homme et une femme), il n’hésite pas à rappeler sa liaison avec Annie Girardot, mais, globalement, il préfère énoncer des généralités. Donner son point de vue sur différents sujets (les femmes, les enfants, la politique…). Un point de vue basé sur son expérience ou plutôt ses expériences car Lelouch est multiple et n’a jamais tenu en place.


Ce faisant, il dévoile plus que jamais sa véritable personnalité. On comprend qu’il n’est pas archi-fan d’Internet et des fausses facilités que cela procure, on a la confirmation qu’il est un véritable passionné de cinéma. Il a vraiment les images dans le sang. Viscéral. Un cas finalement assez rare dans le septième art que beaucoup trop considèrent comme un métier et quelques rares comme une passion. Mais chez Lelouch cela va bien au-delà de la passion. Les images constituent son lot quotidien. Il s’en nourrit 24 heures sur 24 (ses rêves sont aussi des films !). Il ne peut pas voir un paysage sans l’imaginer dans un film, pas entendre une histoire sans la transformer en scénario. Toute sa vie même est un film. Y compris ses multiples liaisons amoureuses. Son œil est une caméra qui fonctionne en permanence, sa caméra est le témoin de ce qu’il voit, de ce qu’il aime. Lelouch serait-il un cyborg enregistrant en permanence son et image ?


Ainsi ce dictionnaire permet de mieux cerner ce cinéaste par encore octogénaire et toujours dynamique (il vient de terminer un nouveau film). Donc, pour les uns de continuer à l’apprécier et, pour les autres, de continuer à le détester ! Il n’en a cure, il continue de foncer, caméra au poing. Il connait et reconnaît ses erreurs. Dommage qu’il ait tenté de nous en imposer certaines sur grand écran…


Parmi les 26 rubriques traitées, il est une à laquelle j’adhère totalement : le western. Cela peut surprendre mais Lelouch est un inconditionnel de ce genre. Il lui rend fréquemment hommage (d’Un homme qui me plait à Salaud, on t’aime) et en signa même un, hélas boiteux : Un autre homme, une autre chance. Ce qu’il écrit sur le western est frappé au coin du bon sens. Et j’en recommande la lecture à tous les bas de la vue qui osent mépriser ce genre fondamental et fédérateur sans lequel le cinéma ne serait pas tout à fait le cinéma.


Côté scories, pas grand-chose à relever. Excepté le fait que Claude Lelouch aime la musique, c’est indéniable, mais a du mal avec les patronymes des musiciens. Ainsi le grand Claude Bolling devient Claude Bowling (pages 143 et 145). Un "w" qui déboule dans un jeu de quilles… Et le compositeur de musique de westerns Dimitri Tiomkin se retrouve amputé pour devenir Dimitri Tiomki. D’un côté une lettre en trop, de l’autre une lettre en moins. Heureusement qu’Ennio Morricone ne s’est pas retrouvé Ennio Morrico….



Philippe Durant


Claude Lelouch, Le Dictionnaire de ma vie, 

Réalisé avec Laurence Monsénégo

Kero – 287 pages – Septembre 2016 – 17 €

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