Dans
ce village de montagne, tout le monde a remarqué l'inconnu rôdant depuis
quelques jours dans l'impasse. Au bout de celle-ci vit une jolie veuve qu'on imagine sans
histoire – Cécile est la prof de piano pour les gosses du coin. On s'observe à
travers les rideaux. On commente et l'on s'essaie aux pronostics, sous le patronage
de l'ours dont le souvenir hante chaque lieu. La méfiance est
d'usage et la tension palpable, même si pour l'instant l'attraction a le mérite
de distraire. Une altercation plus loin, Cécile finit par ouvrir sa porte au
jeune homme. Elle l'accueille comme une évidence ; le voilà chez lui. Devant la
stupeur des voisins, Cécile pose un argument imparable : l'inconnu n'est
autre que son fils oublié – une photo floue l'atteste. Il s'agira de n'en pas
douter frontalement, au risque d'atteindre le point de rupture. D'ailleurs, si
elle ne veut pas être éjectée du nid, la fille de Cécile doit désormais composer
avec des forces obscures ; part dérisoire des ténèbres sur lesquelles ce village
repose.
« C'était comme s'il avait pris
possession des lieux, et d'elle, de tout
! Nous n'étions pour lui que des étrangers en visite ! »
Entre
thriller rural et drame à énigmes, l'atmosphère nébuleuse s'épaissit sournoisement,
à mesure que l'intrigue prend forme face à l'irréparable accélération des
choses. De la désinvolture des débuts aux tensions exponentielles, ce texte
s'harmonise à plusieurs voix, dans un jeu subtil de contre-jours où l'ironie et
la compassion se répondent étrangement. Un premier roman chargé de mystères
qu'une nature inquiétante se charge d'accentuer jusqu'au vertige.
Arnault Destal Marie-Pierre Burtin, Dans la forêt lointaine, Kero, janvier
2017, 234 pages, 16,90 €
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