Exigence de Catulle Mendès

Guy de Maupassant parlait à son sujet d’un « poète aux intentions mystérieuses ». Le choix de contes cruels signés Catulle Mendès que rassemble l’Arbre vengeur illustre à merveille cette formule à propos d’un auteur que l’on recommence à peine à découvrir, après un siècle d’injuste purgatoire.


Dans le récit éponyme du recueil, un homme dont nous ignorerons toujours le nom écrit à l’aumônier de la prison de la Roquette une longue confession, en attendant d’être guillotiné. Il y explique l’obscure raison qui l’a poussé fatalement au crime, lui, au tempérament si paisible, aux intentions droites, mais affligé d’une ombre… sans tête ! En cinq pages, nous assistons à l’horrible idylle d’une toute jeune fille, succombant à l’amour le plus pur envers le jeune homme dont ses maquereaux de frère et père veulent faire la prochaine victime de leur larcin. Le long prospectus publicitaire de Danger pour tous anticipe d’un siècle le concept développé par la société privée qui malmènera Michael Douglas tout au long du film The Game. Et puis il y a les monologues de ces grands délirants, dont les esprits sont hantés par des ailes de moulins, des désirs coprophiliques, des desseins d’empoisonnements…


Le style ? Propre à celui des plumes altières de cette génération névrosée : tout en finesse, en sursauts macabres, en pulsations fiévreuses ; inexorablement beau.


Catulle Mendès, gendre de Théophile Gauthier et ami de Villiers de L’Isle-Adam, était appelé à occuper une position intermédiaire entre le Parnasse et l’écriture fin-de-siècle. Il se fraya entre ces deux tendances un chemin particulier, qui allait l’amener à des œuvres oscillant entre raffinement, licence et sordide, à l’exemple de son inclassable récit, Le Chercheur de tares en 1898.


Nathalie Prince, dans son Petit musée des horreurs chez Bouquins constatait : « Une biographie de l’auteur fait cruellement défaut car, outre le mérite d’éclaircir toutes les facettes du personnage, elle ferait revivre le Tout-Paris artistique et littéraire de la seconde partie du XIXe siècle. » Elle fournirait peut-être aussi quelques éclairages sur l’un des imaginaires les plus contournés de son époque, dont l’horrible destinée – Catulle Mendès sera littéralement coupé en deux suite à une chute de train – était dans la droite ligne de celle de ses personnages.

 

Frédéric SAENEN

 

Catulle Mendès, Exigence de l’ombre et autres contes cruels, Préface d’Éric Vauthier, Dessins de Cécile Noguès, L’Arbre vengeur n°49, 2009, 135 pp., 11 €.

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