Haut de Game - confessions de Marion Game

J’apprécie beaucoup Marion Game. Je sais que ce ne fait pas très chic de dire cela et que je ferai mieux de me vanter d’apprécier des acteurs intellos torturés mais c’est un fait : Marion Game me fait rire. Je le dis avec d’autant plus de franchise que ça remonte à loin, plus de vingt ans, et non à ses récent vedettariat dû au succès télévisuel de Scènes de ménage (série que je ne goûte guère).

                  

Bien entendu, j’ai découvert Marion au cinéma (Ah, La Dernière Bourrée à Paris, je m’en souviens encore !) ; mais pour se rendre compte de son talent il ne faut pas se contenter de la voir sur un écran, petit ou grand, mais sur les planches. Elle y donne toute la puissance de son jeu.  J’ai dit, et je continue de l’affirmer, qu’elle avait « l’abattage » d’une Jacqueline Maillan. Quand elle arrive sur scène, elle vous « prend » le public et ne le lâche qu’à la dernière réplique. Marion était hilarante dans des Feydeau face à Pierre Richard (qui, bizarrement, ne figure pas dans son récapitulatif de carrière, p 243). A n’en pas douter, elle était faite pour le théâtre et il est heureux qu’elle-même (qui n’osait pas embrasser ce métier) ait fini par le comprendre.

                  

J’avais d’ailleurs écrit une pièce pour elle. Une comédie de boulevard, of course. Texte qui devait être exécrable car elle ne l’a pas joué. Mais cela nous a donné l’occasion de nous rencontrer et de partager plusieurs repas. Toujours dans une bonne humeur ponctuée de grands rires. Marion Game est une bonne vivante, dans le sens le plus noble du terme. Elle n’en est que plus agréable. Pendant plusieurs années nous nous sommes échangés nos vœux et puis plus rien. Parce que le temps nous use.


Elle n’a, sans doute, pas eu le succès qu’elle méritait. Au cinéma en tout cas. Dans son livre, Marion a beau prendre la défense de Raoul André, il faut quand même admettre que c’était un piètre cinéaste qui n’a commis que des comédies au ras des pissenlits.

                  

Donc, à un âge où les politiciens devraient avoir pris leur retraite depuis des lustres, Marion couche ses souvenirs sur le papier. Elle le fait à contrecourant de la «tradition » en la matière. Habituellement, les acteurs cachent leur vie privée pour mieux s’étaler avec complaisance sur leur carrière. Eh bien, elle pas du tout. Tout en tordant le cou à la chronologie, elle vous raconte par le menu son enfance à Casablanca, ses relations plus que distantes avec sa mère, ses amours souvent contrariées, sa fille Virginie, ses fils… et glisse sur son parcours professionnel avec une sorte d’étonnante pudeur. D’une femme si drôle, on pouvait s’attendre à une succession d’anecdotes toutes plus amusantes les unes que les autres. Elle en distille quelques-unes mais préfère se montrer à cœur ouvert, pour ne pas dire à nu.

                  

Cet ouvrage dévoilé la face cachée de Marion. Non pas le clown triste mais ses failles, ses blessures et aussi ses doutes. Autant de raisons qui, à coup sûr, l’ont fait hésiter à aller de l’avant, foncer jusqu’au bout de son talent, pour devenir une nouvelle Maillan. A lire ses pages, on pourrait dire que tout s’explique.

                  

Je regrette que cette sincérité par les mots soit auréolée d’un titre ridicule. C’est comment votre nom déjà ? me fait penser à l’encore plus ridicule Tu t’appelles Chantal Goya comment ? paru il y a longtemps chez un éditeur infréquentable. Marion méritait mieux.

                  

En loucédé, je me permets de lui signaler (p 217) que Lino Ventura n’a pas fait « la série des Gorille », il n’en a tourné qu’un !

 

Philippe Durant

 

Marion Game, C'est comment votre nom déjà ?, L'Archipel, 254 pages, novembre 2013

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