Michel Embareck, Personne ne court plus vite qu'une balle.





Embareck s’est installé dans l’écriture comme l’on prend sa place dans un repas d’amis, il a poussé de la fesse et a montré aux beaux parleurs qu’il fallait tout simplement l’écouter. En 1984, alors que j’envoyais un ixième manuscrit refusé, j’avais lu son Sur la ligne blanche qui m’avait définitivement écarté de l’écriture du polar : avec Pouy et lui, tout était dit, parce que les deux font dans le détaché, ils vous prennent par la main pour vous montrer, sans jamais vous pousser par la caricature.

 Je me trompais peut-être, parce que depuis, il y eut Baranger et  Guillaume, et là, c’est presque tout, parce que la descente dans le sordide, depuis, ne s’est plus arrêtée dans ce genre.

 Je suis donc tombé dans le nouveau Personne ne court plus vite qu’une balle, avec avidité, ravi de retrouver le détective privé moitié de Louisiane, moitié français, Victor Boudreaux.

Je n’ai pas été déçu.

S’il fallait résumer le nouveau roman de Michel Embareck, je ne citerais qu’une phrase de son histoire, parce qu’en offrir une deuxième serait vous empêcher de goûter à une écriture qui vous laisse le sourire aux lèvres pour un bout de temps, un peu comme si l’auteur était le jumeau d’un Luc Balanger, mâtiné du siamois d’Audiard et Desproges.

« Le ciel avait parfumé l’espace d’un échantillon de printemps, entre bourgeons de magnolia et brise douillette poussée par un vent d’est qui faisait dégringoler les chenilles urticantes des chênes verts. »

 Avec Embareck, l’histoire commence joliment, les morts sont cocasses, le polar se place dans l’humour et la bonne humeur. Seulement, avec cet écrivain, il y a aussi les chenilles urticantes, l’école de l’écriture noire et sociale des années fleuve noir, quand le polar français n’était pas tombé dans le crasseux à répétition.

 J’ai pensé à Pouy, j’ai pensé à Baranger, à chaque page que vous regrettez de quitter, mais j’ai surtout voyagé. La Louisiane d’Embareck, c’est celle du Jazz de la Nouvelle Orléans et de Burke, piquée au rhum de fin d’après-midi et au désenchantement paisible de son héros récurrent. C’est encore l’Asie, avec une description des souvenirs de la guerre du Vietnam du détective, un bijou qui se lit à la vitesse du tir d’une 12,7 aussi vite passé que destructeur, dont une liste des objets transportés par le GI’s qui se termine par le « accessoirement le body bag s’il est mort » (allez sans attendre la rechercher aux alentours de la page 98, vous y reviendrez encore et encore).

« Picaresque et immoral » dit la quatrième, mais aussi rapide, intelligent, écrit par un littéraire qui fait dans le mot, la phrase et l’envie de partager. Un écrivain, quoi.

Pour conclure, allez, je ne vous dis pas la fin, juste une petite dernière, pour la route, ce joli échange entre anciens du Vietnam.

 

« - Qu’est-ce qui lui prend ?

- Il voit des putains de Charlies partout !

- Pardon ?

- Oui, tu sais, les inscriptions « je suis Charlie » bombées le long du périphérique.

… »

Et après, si vous n’avez pas lu d’autres Embareck, il y a le Rosaire de la douleur qui ressort chez Archipoche.

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