Camille Saint-Jacques et Eric Suchère : Révisions des poncifs passés, présents et à venir

Sortant des évangiles sur les questions esthétiques, les deux critiques proposent un texte d'une limpidité rare sur l'art contemporain comme sur la notion de "chef-d'œuvre". Cette dernière leur sert de superbe entrée et aussi de sortie afin de soigner les symptômes de l'art contemporain. Si bien que la révision du chef d'œuvre et sa séparation en deux aspects distincts indiquent des voies pertinentes à ce qu'il en est de l'art, ce qu'il devient, ce qu'il engage et comment il est perçu.

Les auteurs ne jouent en rien clercs fondateurs d'une nouvelle religion de l'art qui ne devrait à leur seule grâce l'apparition d'une vulgate. Dans leur critique de l’art ancien comme du contemporain, ils font preuve d’un esprit de finesse en leur géométrie des cimaises. Plutôt que de jouer aux casseurs tout azimut ils montrent que ce qui se range de «négatif» sous la notion de chef d'œuvre mais en obligeant de plonger dans l’histoire de l’art contemporain de manière intelligente et non à coups de fadaises.

Face à ce qui se veut inébranlable dans un art réduit à une marbrerie ancestrale, comme - et à l'inverse  -  dans «le rien le peu, le pas grand-chose» en tant que valeurs désormais irréfutables, ils mettent les pendules à l’heure. Ils remontent au besoin avec pertinence le temps en rappelant à nos bons souvenirs différentes périodes de l'art, ses conditions de réalisation et de validation.

 

Cette approche  fait preuve à la fois – et c'est rare – de tolérance et d’impertinence. Mais plutôt que de distribuer bons points ou coups de pied au cul, les auteurs ne se rangent jamais du côté de la bien-pensance esthétique. Mais sans ramper pour autant systématiquement du côté de la nouvelleté. Ils serrent en conséquence au plus près la création en analysant ses divers catégories et pratiques où se mêlent l’imaginaire, le symbolique et le réel d'œuvres remises dans leurs contextes.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Camille Saint-Jacques et Eric Suchère, Le chef d'œuvre inutile, coll. Beautés, L’Atelier contemporain, février, 2020, 136 p.-, 20 €

 

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