Tout ce qui reste... de Jean-Jacques Gonzales

L'économie d'un tel livre – constitué de plus de 200 photographies ayant appartenu et prises par son père et le texte qui les commente en une conversation tardive – permet la synthèse de scènes de la vie  inconnue pour une grande part puisqu'elle date d'un temps que l'auteur n'a pas connu dans un pays (l'Algérie) que l'auteur a dû quitter à l'âge de 11 ans.
Le tout non sans un certain humour et une distance suffisante pour extraire tout ce qui s'écrit de la simple anecdote. Et ce de la part d'un auteur qui se dispense de toute nostalgie tout en étant capable de véritables élans du cœur envers les siens comme envers des personnes qu'il ne connaissait pas, avec lesquelles il vit encore dans une authentique fraternité.
Sans débordements l'auteur propose à sa manière un récit d'initiation et de mémoire perdue au sein d'une telle rêverie autobiographique. Elle sert de ferment à une composition où l'immixtion de la part d'interprétation de ce qui fut n'entrave en rien une sorte de vérité d'authentification.

Le livre en offre le résultat. Il tient avec élégance et pudeur de l'hommage, du témoignage est d'une forme d’exégèse de fil en aiguille. D'où cette mosaïque subtile de celui qui dans ses écrits comme dans ses images n'a cessé de fixer les traces de son passage dans le temps. Le dialogue est donc particulier. Il est muet mais paradoxalement s’élève contre le silence de mort et d'exil.
Et c’est un point clé chez Gonzales. La photographie paternelle est pour lui un masque tranquille, muet, qu’il oppose à la mort.  Du coup, c’est comme si la photo tout entière était un leurre en même temps qu’un ex-voto : un leurre pour déranger la mort, un ex-voto en guise de salut au temps qui passe. 
L'auteur ose s’abandonner au silence sans fond pour le faire résonner.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Jacques Gonzales, Conversation tardive, L'Atelier Contemporain, mai 2022, 206 p.-, 25€

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