Olivier Bardolle, L’agonie des grands mâles blancs sous la clarté des halogènes

C’est par une lettre à Philippe Muray et la réponse de ce dernier que commence L’agonie des grands mâles blancs sous la clarté des halogènes, d’Olivier Bardolle. Non, ce n’est pas un « cri de détresse d’un enfant du siècle », un de plus, c’est un long réquisitoire contre un système qui, sous couleur de modernisme, a évacué la réalité du monde. « Car du travail, du vrai travail, c’est-à-dire un travail reposant sur un savoir-faire, des compétences spécifiques, pouvant même ressembler à ce qu’on appelait encore il y a quelques années, un métier, il n’y en a plus. » L’auteur y évoque un grand et bon jeune homme qui ne peut trouver mieux comme emploi que d’être assis sept heures par jour devant un ordinateur pour un très médiocre salaire. À l’ensemble de la jeunesse française, comme à l’occidentale, la « société », en effet, n’offre guère mieux qu’une enfilade de CDD jusqu’à la retraite. À moins qu’ils ne finissent « dans la finance, la com ou l’événementiel. »

 

L’inventaire du désastre est complet, les nécessiteux pourront y emprunter des idées quand il leur faudrait brosser un panorama de la civilisation du XXIe siècle. La fameuse condition humaine y est morne : la révolution sexuelle d’hier s’est achevée en marche funèbre ; des villes comme New York, Paris ou Stockholm comptent 50 % de célibataires vivant seuls et condamnés à déréaliser le monde un peu plus en surfant sur les « réseaux sociaux » à la recherche d’un partenaire, on ne dira certes pas d’un amour. Le futur est sans avenir.

 

Bardolle ne désigne pas les responsables - on n’ose dire : « les coupables » - de cet état de choses mondial. Le fera-t-on pour lui ? Le premier est la dévalorisation du travail, auquel on ne laisse plus de chances de survivre que s’il reste « compétitif », c’est-à-dire le moins cher possible. Vient ensuite la mondialisation de plus en plus tyrannique de la production : un État ne survit plus qu’en produisant au plus bas prix possible, donc en appauvrissant sa main-d’œuvre, pour vendre sa production aux antipodes.

 

Voilà donc notre Grand Mâle Blanc changé en accessoire de peu de valeur, condamné à « jouir de la vie » jusqu’au moment où il sera admis dans un asile. Ah, il aura joui, oui, de cet univers « artistisé » par les nouveaux princes que sont les designers, producteurs de rebuts, « objets déchets, croûtes infâmes, textes indigents, son et musique insupportables ».

 

C’était mieux avant ? Pas sûr ; une lettre de Muray lui-même nous en prévient d’entrée de jeu : « Je ne me fais pas d’illusions sur la connerie antérieure. » Un livre à lire avant de mourir. Et même, vite.

 

Gerald Messadié

 

Olivier Bardolle, L’agonie des grands mâles blancs sous la clarté des halogènes, L’Éditeur, octobre 2012, 170 pages, 15 €

 

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