Luminitza C Tigirlas : Rilke, l’amour et son lointain

Qu’on se rassure : l’essai de L.C. Tigirlas évite tout langage pseudo scientifique prétentieux. L'essayiste sait que ce qui se conçoit clairement s’écrit de même. Pour autant l’auteure plonge au fond des tourments de Rilke. En ses errements, celui qui chercha à comprendre l’art des bien aimés  ne se contenta pas  des approches communes des amants.

Analysant des textes majeurs de l’auteur, l’analyste montre comment se crée dans l’organique des affections dont l’approche dépend ensuite de toute une culture où chaque individu baigne. Néanmoins L.C Tigirlas n'émet pas d’hypothèses douteuses quant à Rilke : elle se bat avec les textes de celui qui les a  écrit à l’ombre du plus caché afin que l’être-là du poème ne se contente pas des postures admises.

D’autant que chez Rilke l’amour ne se conjugue qu’au nom d’une certain ratage. Si bien que tout ce que donne l’amour ne se produit qu’au nom d’une certaine solitude dans lequel le poète reste enfermé. Cela ne suffit pas à en faire un héros même si se devenant amant de celle qui ne sera jamais véritablement une autre, il croît l’être.
La figure de narcisse  fait donc résistance.

Il est vrai que croyant à la supériorité du spleen sur l’idéal Rilke pense s’en sortir. Toutefois la clé de l’amour ferme autant qu’elle ouvre. L’étreinte de l’absolu oblige au sacrifice.  Il n’est pas lucidement demandé. 
Mais inconsciemment il fait du poète la plaie et le couteau. Et c’est ce qui peut agacer chez Rilke au sein même de son éloge implicite de la distance. Mais c’est ce que Luminitza C. Tigirlas met à nu.

Elle récure le weltinnenraum rilkéen, cet espace qui demeure d’une imperméabilité crasse et qui crée le « pli » insécable au poète et à son œuvre. Tout en l’un et l’autre ne rapproche qu’en divisant. Si bien que la haute nuit étoilée est plus noire que véritablement éclairée. Le mangeur d’absolu ne peut donc que vivre en solitaire. Et s’il a multiplié les figures de l’amour c’est pour mieux s’en défaire.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Luminitza C. Tigirlas, Rilke-Poème. Elancé dans l’asphère, L’Harmattan, coll. "Etudes psychanalytiques"

 

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