Sonia Elvireanu : repartir

Sonia Elvireanu propose d'étranges instants revenants pour épuiser la douleur et ses inexorables reflets. Au croisement de sa mémoire elle expose le temps en ce qui se voudrait des écarts  stellaires dans le bleu du ciel.

Pensant le passé en mouvement,  elle trace quelque chose qui ne se détache pas du corps. Il s'agit d''organiser un rythme pour bercer la douleur, donner une pulsation de douceur à ce qui ne peut pas se perdre...

Existe une mélancolie : au nom du  deuil impossible, du temps arrêté, figé, du  corps enfermé dans un présent inerte et immobile. Il hurle pour se faire entendre, mais en un presque  silence. Mais il convient recréer des déconnexions pour que la chaîne circonstanciée du temps trouve peu à peu une autre traction.
D'où cette déclamation. Elle engage le corps en se calquant sur son rythme. La scansion des vers épouse la respiration qui se voudrait enfin plus légère. Car, aux antipodes de la transparence du tout dire, Sonia Elvireanu se fait entendre dans le clair obscur de son essence. C’est ce qui donne son caractère mystérieux au poème . C’est ce qui donne au sujet un possible abri.

La poésie est donc une prise de risque. Elle va au plus près de la scission. Une aventure forcément en solitaire ne cesse d'appeler l'autre, le disparu. La singularité se parle  au pluriel ou en duo. Mais l’inédit opère un déplacement : le sillon du normal se voit bousculé et sa fixité s’efface dans la mouvance de la création.

Sur la crête d’une métaphore se façonne la fragilité de l’être. Le sujet s’aventure dans un inédit tout en ouvrant les yeux de celles et ceux qui lisent un tel livre Se crée le glissement du contenu vers le contenant mais le "je" reste dans le même registre.. Et si les derniers instants d'un jour furent des baisers enrobés d’une ombre clandestine apparaissent peu à peu condensation et émergence d’un nouvelle signification.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Sonia Elvireanu, Le souffle du ciel, coll. Accent tonique, L'Harmattan, octobre 2019, 17 €

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