Alexandre Shishmanian : spasmes du solitaire

Contre les pétrifications stupéfiantes et face aux lumières qui ne sont que des inversions de l'obscur,  Ara Alexandre Shishmanian s'érige comme porteur d'une "hyper-lumière" projetant à l'infini des augures frémissantes gonflées de prophéties dans un temps qui en manque outrageusement

L'ambition est haute et la langue caresse un niveau d'incommensurable. Mais néanmoins cette filature d'implosions et qui se réclame dans nos crépuscules "l'Aleph de tous les âges" résonne un peu comme une suite interminable de pétitions de principes.

Elles sont de bon aloi, luttent contre des déifications douteuses et bien des opiums des peuples et des opprimés. Mais à celui qui attend pour être lui-même au plus profond et dans un silence abyssal et un blanc plus lustral que ceux d'un Beckett, la barque des mots se fait trop pleine.

Le déversoir ne cesse de fonctionner. Non sans séduction et emprise certes mais avec le risque de perte du lecteur en un tel labyrinthe poétique  où tous les robinets sont ouverts  tant par le flot lyrique que les tournures volontairement outrancières.

C'est souvent réussi, parfois plus raté (cf. par exemple des expressions telles que "les hémorroïdes de la rébellion"). L'ensemble possède une force certaine,  mais à trop embrasser et vouloir s'exprimer avec une violence paroxysmique, paradoxalement cet opus ambitieux perd en partie de sa puissance pariétale, primitive donc première.


Jean-Paul Gavard-Perret


Ara Alexandre Shishmanian, Les non-êtres imaginaires, L'Harmattan, avril 2021, 208 p.-, 19 euros

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