Virginia Woolf et ses amis

Ils descendent de bonnes familles anglaises ou écossaises, ils ont étudié à Cambridge, ils sont écrivains, philosophes, artistes, hommes fortunés et avenants. Elles se veulent leurs égales en tout, militantes, peintres et poétesses pétries de culture et d’élégance, revendiquant leurs droits de femmes et leur liberté.
On est au temps des suffragettes. Ils se réunissent pour partager de brillantes conversations, ils vivent dans un quartier résidentiel de Londres, ils voyagent à Venise ou sur la côte méditerranéenne et regardent la société sinon de haut du moins de loin. L’un d’eux, John Maynard Keynes, deviendra célèbre pour ses théories économiques.
Un autre, Roger Fry, se révèle être un peintre de talent et participe à la fondation des Omega workshops où se fabrique de l’artisanat décoratif. Leonard Woolf de son côté crée la maison d’édition The Hogarth Press qui publiera notamment des livres de H.G. Wells.
Déjà distingués de naissance et d’intelligence, ils se distinguent encore par leur indépendance de ton et de leurs mœurs, affichant des comportements qui sont jugés scandaleux pour une époque restée héritière de l’esprit victorien. Des existences mondaines préservées qui se déroulent comme des vies de bohème huppée et éclairée dont la virtuosité est de faire deviner son génie sans le montrer. Ils accueillent d’autres personnages de renom venus du continent, Picasso et Derain par exemple. C’est une tribu qui s’amuse, visite les expositions et lit Tchekhov et le Journal de Delacroix. En somme, ils vivent le printemps d’une révolte consciente. Ainsi que le note Marie-France Lavalade, c’est une période de grande effervescence et Virginia se trouve aux premières loges pour l’observer avec son acuité critique habituelle
Au milieu de ce groupe, Virginia Woolf, dont les idées et le talent les conquièrent tous, jusqu’à sa mort en mars 1941. Sa plume est acérée. Parlant d’une femme écrivaine qui remplit quinze pages tous les matins, elle la qualifie d’espèce de perruche bariolée, rubiconde et moustachue, qui sous ses allures de grenadier possède probablement un tempérament d’aristocrate. Contrepoint à cet humour, à ces jours de ferveur et de discussions enjouées, à ces heures de bonheur,  Pourquoi la vie est-elle si tragique, si semblable à un petit trottoir en surplomb d’un abîme fait dire l’auteure à son héroïne.
Au début de ce livre, une citation de Virginia Woolf : On pourrait faire un livre avec une suite de scènes distinctives, courtes et significatives. L’auteure a suivi avec habileté ce principe. Elle offre au lecteur une soixantaine de petits chapitres qui sont autant d’instants découpés et vivants dans l’espace et les lieux du Bloomsbury group.
Au fil des portraits vivement brossés, des jeux de relations croisés qu’elle dénoue et des anecdotes savoureuses qui composent l’histoire sociale britannique dont elle retrace le quotidien, on sent que Marie-France Lavalade a eu le privilège d’avoir ses entrées dans ce cercle privilégié tant elle sait en restituer l’ambiance.     

Dominique Vergnon

 

Marie-France Lavalade, Virginia Woolf et le groupe de Bloomsbury, L’Harmattan, janvier 2023, 323 p.-, 32€

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