Pierre Garnier : "Toute pastorale est errance"

C'est sous un ciel pas fini, que la terre fait ce qu’elle peut. Sa chute engendre le recueillement. Et son retournement provoque l'accouplement des morts avec les étoiles.
À la recherche du vivant Pierre Garnier sait qu'en un telle sphère la poésie et l'être creusent leur trou. Pour preuve ce qu'il dit du second :
Suspendu dans son anus / (équidistant) / les yeux affleurent /sur /ce corps absorbé par sa couronne.
Ce qui pour l'auteur est une autre manière de revenir ce qu'il fut d'abord : un spatialiste, un avant-gardiste.

Son livre réunit trois pièces : Perpetuum mobile publiée en 1968 chez Gallimard, Secondes édités jusque là en allemand (Sekunden) par Ilse Garnier en 1967 et Santerre, qui n’avait jamais été publié jusqu’alors.

Sans être spatialistes ces poèmes ne marquent pas pour autant un repli sur une simple linéarité consensuelle. Un mouvement demeure en divers types d'oscillations, de passages et de dérives contre la mort. Face à elle tout mouvement est bon. Dès lors Il n’y a pas de différence : entre / la buée de mon souffle / et la Sixième Symphonie.

Le peu comme l'essentiel  permettent d'affirmer la présence. Et pour la souligner les poèmes sont volontairement courts et dépouillés. Pas de discours mais une suite de flux et reflux. Ils animent la voix  qu'ignorent les rhéteurs, les décorateurs stylistiques, les faux poètes qui se gargarisent de mots.

Ici ne reste qu'un souffle élémentaire du théâtre du monde et de ceux qui le peuplent. Et ce, de l'usine à l'oiseau, de la lune à la marionnette dont les fils restent invisibles. Si bien reste le doute sur savoir ce qui se passe : Est-ce toi qui tire le fil ? écrit Garnier – sans dire qui ni comment.

Restent des lignes tordues, perdues. Elles transpercent la page pour échapper à l’enclos du langage. Preuve que le spatialisme ne demeure pas si éloigné que ça : un compas d'enfant écrit un O. Et en cette lettre les os reviennent dans plusieurs types de modifications  pour rejeter en pleine mer.ce qui ne bouge plus.
Le Santerre n'est donc pas une absence ou un creux mais le lieu d'une terre sainte pour ceux qui l'ont perdue et qui ne peuvent pour autant s'en remettre au ciel puisqu'il s'agit d’un chantier abandonné. En cette errance le poète ouvre à un imaginaire de la mutation et du réenchantement. L'éclat de la vie y prend un registre particulier.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Pierre Garnier, Perpetuum mobile, Édition L’herbe qui tremble, octobre 2020, 170 p., 14 €

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