Zone interdite, de Hakim Bey : mettre à mal Babylone !

Un frère, j’ai un frère ! Un être de pensée commune, un homme qui prône une autre manière de vivre et qui fustige notre monde devenu bien pire que ce que nous prédisait 1984. C’est Hakim Bey ("M. Le juge" en turc), qui est le pseudonyme de Peter Lamborn Wilson, un écrivain connu pour ses engagements politique, se qualifiant d’anarchiste ontologiste. Ce voyageur infatigable (deux ans en Inde, puis au Pakistan, 7 années en Iran jusqu’à la chute du Chah, en 1979) défend le concept des TAZ (zone d’autonomie temporaire). Ses textes, souvent publiés sur le Net ou chez des éditeurs « underground » sont imprégnés par le soufisme et le tantrisme, influençant certains auteurs de SF cyberpunk comme Bruce Sterling.


Bey combat ce capitalisme libéral qui court à sa fin et ira certainement s’empaler d’ici peu sur les pics des peuples en colère, à l’image de ce monde arabe qui ébranle les rives de la Méditerranée et fustige les dictateurs.


Poète politique, utopiste acharné, Bey s’ingénie à brouiller les pistes pour mieux fustiger ce monde inapte qui aliène les peuples pour mieux les asservir. Produire et consommer, voilà désormais les deux seules activités autorisées. Et toujours en bande organisée, pour mieux être contrôlé. Quand votre serviteur passe pour un ours dans sa volonté d’être seul, Bey, lui, le voit en héros individualiste qui refuse cette version socialiste de la marchandise dans sa version Club Med. Oui, je revendique un droit à la différence, un droit à ne pas adhérer à la marche du troupeau vers les abîmes du consumérisme, à la version officielle du 11-Septembre, à la politique politicienne - au seul service des politiciens et de leurs amis du CAC40 - menés par 99% de nos élus, à la famille nucléaire et encore moins aux collègues de bureau "parce que ces groupes sont déjà auto-aliénés et harponnés par la structure du Travaille-Consomme-Meurs."


Depuis adolescent je rêvais d’un sanctuaire où les gens pourraient venir se reposer et penser à autre chose, faire, créer ensemble quelque chose d’utile - ou non - mais de ludique, loin de toute contrainte... quand Wilson inventait la Zone d’Autonomie Temporaire, ces TAZ qui proposent de rassembler des êtres dans des lieux réels ou virtuels, où les lois et les règles de la société sont momentanément suspendues... 


Un frère, vous dis-je, à mille lieues l’un de l’autre, mais unis dans le cosmos... pour combattre "
l’ordure capitaliste, ce rat, ce bâtard qui vous parle de « joindre et de toucher quelqu’un » avec un téléphone, ou qui vous ordonne : « Soyez là ! » Là ? Où ça ? Tout seul en face d’une saloperie de télévision ? Ces goules sorties d’un cauchemar de Lovercraft sont en train d’essayer de vous transformer, après vous avoir bien broyés, bien vidés de votre sang, en un pathétique petit rouage estropié de la machine-à-mort de l’âme humaine."
Il va donc falloir s’opposer de plus en plus fermement à cette manière d’envisager la société et d’imposer ces modes de vie aux hommes : suivons le modèle oriental, révoltons-nous !


Oui, ouvrez les yeux, 1984 est un paradis comparé à ce que nous vivons, car, ne vous en déplaise, derrière le vernis, que voyons-nous ? Une pensée unique portée par un gang de politiciens qui honnit les indépendantistes, qui bannit les libres-penseurs, qui enlève, torture et tue les résistants (Michael C. Ruppert devant se réfugier au Venezuela et Thierry Meyssan au Liban).
"
Babylone se fait haine devant quiconque prend réellement plaisir à la vie, au lieu de seulement dépenser de l’argent en quelque vaine tentative pour acheter l’illusion du plaisir [(qui n’a pas son iPod, iPhone, iPad est un has been !).] Si vous ne vous dilapidez pas dans la vacuité de la marchandise, c’est évidemment que vous êtes un tordu et vous devez, par définition, être en train d’enfreindre une loi. Dans cette société, le vrai plaisir est plus dangereux qu’un braquage de banque. Au moins, les braqueurs de banque partagent le respect des masses pour l’argent des masses. Mais vous ! Vous les pervers, vous méritez clairement de mourir sur le bûcher."
Personne n’a désormais le droit à la différence. Qu’elle soit religieuse, culturelle ou intellectuelle. Si vous faîtes trop le malin on vous aura à l’œil. Puis on s’occupera de vous. "
Avez-vous votre permis d’exister ?"


Citoyens, faîtes-vous violence à quelques mois du grand cirque de 2014 (puis 2017) qui va nous (dé)montrer que la pantalonnade peut toujours être superfétatoire et n’a pas de limite ; et attachez-vous à lire et décrypter cette prose psychédélique pour y trouver votre miel. Et en faire un baume à dispenser sur les plaies qui vous brûlent depuis tant d’années.
Divaguez avec Bey dans les utopies et voyez-y les pensées neuves qui s’y cachent pour mieux les mettre en pratique.
Et gageons alors que demain sera un jour meilleur !

 

François Xavier

 

Hakim Bey, Zone interdite, traduit de l’anglais (Etats-Unis) et annoté par Sandra Guigonis, coll. "Carnets anticapitalistes", L’Herne, janvier 2011, 88 p. - 9,50 €


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