Les bateaux du lac

Naviguer sur des eaux calmes le regard environné de montagnes, déjeuner au milieu des boiseries en érable marquetées de bois de rose, prendre un verre sur le pont supérieur, ressentir les vibrations des moteurs qui propulsent les roues à aubes, aimer paresser un peu, respirer un air plus vif, suivre des yeux le sillage d’écume jusqu’à sa dissolution.
Un voyage comme au temps lointain mais évocateur de la Belle Epoque. A bord du Savoie, du Montreux, du Simplon ou du Vevey, des noms qui suffisent à situer où croise cette flotte blanche à cheminée noire et jaune. Un pavillon à la poupe, celui de la Suisse. Embarquement pour de brèves croisières, la découverte de villes tranquilles qui bordent ce vaste croissant qu’est le lac Léman, en relier les deux rives avec la ponctualité des trains.

 

 

L’aventure pas très loin en somme, si l’on apprécie de monter sur un des huit monuments historiques de la CGN. Ces vétérans mis en service au début du siècle précédent sont en effet classés. Restaurés sans cesse, entretenus avec un soin sans défaut dans l’état de leur construction initiale, ils représentent le fleuron plus que d’une compagnie, d’un pays qui en fait une identité touristique. Les couvertures des guides officiels des années 1907, 1914 ou 1947 sont la mémoire de ce que le passager peut vivre, avec la touche de modernité en plus.
En 1912, un grand dépliant rédigé en quatre langues précisait les horaires des « courses. Ils sont maintenant sur Internet.

 

La belle histoire de la Compagnie Générale de Navigation sur le lac Léman n’a pas été exempte de remous voire de tempêtes. Créée en 1823 à l’initiative d’Edward Church, consul des Etats-Unis, la CGN lance alors son premier bâtiment. Il s’appelle le Guillaume Tell. Le nom convient à tous. Il y aura ensuite le Rhône, le Mont-Blanc, le Genève, beaucoup d’autres.
Apogée et déclin, finances qui tanguent. Le moteur diesel remplace la vapeur. Les guerres, même ici, bouleversent les prévisions économiques. Le trafic entre les deux pays riverains permet un nouvel essor qui double les lignes dédiées seulement aux vacances. Après 2000, de nouvelles vedettes sont mises en service, la vitesse en plus, le dépaysement en moins ; quoique !
Une fois sur un des embarcadères, pour les esprits ouverts et toujours curieux, s’ils oublient un instant cet espace fermé, l’impression de partir pour une manière de large est offerte.

 

Ce livre est la réédition d’un premier ouvrage qui relatait l’histoire de la compagnie. Plans, photos, données techniques, on vogue agréablement au fil des pages entre le luxe des salons,  la rigueur mécanique des machines, les secrets d’entretien du matériel. On s’installe sur la passerelle et on visite les chantiers navals.
Un avant-goût du voyage pour celui qui l’envisage, un souvenir de celui qu’on a pu faire.

 

Dominique Vergnon

 

Luc-Antoine Baehni, Maurice Decoppet et al, Les bateaux de la CGN, de la Belle Epoque au XXIème siècle, 26x23 cm, 150 illustrations, La Bibliothèque des Arts, mai 2018, 144 pages, 39 euros.  

Aucun commentaire pour ce contenu.