Changer la vie : du revenu universel à la désargence...

Le "débat" sur le "revenu universel" est ouvert depuis la dernière élection présidentielle. En attendant que s'ouvre celui sur la "désargence"... Deux ouvrages apportent leur contribution pour revitaliser ce qui nous permettrait de "faire société" encore. Le premier, signé par Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght, plaide  pour le versement d’un revenu de base inconditionnel à chacun, au nom de l’égalité des droits et en vertu de son appartenance à l’humanité. Le second, signé Gabriel Charmes, propose de cette utopie réaliste pour inventer la société post-salariale de la désargence et de la bienveillance. Et si le temps était venu pour un vrai récit alternatif ? Celui qui, en réponse au récit dominant , « affectera positivement le capital humain d’une société »?

 

Il arrive, lorsque le brouillard s’épaissit en nuages de cendres par temps de basses eaux, que l’on s’éclaire avec de vieilles idées du passé – histoire de tenter d’entrevoir à nouveau une lueur d’avenir...
Alors que montent les eaux de la « mondialisation », de la grande « transformation digitale » et de « l’intelligence artificielle » qui rompent les digues  et emportent les « emplois », la vieille idée d’un revenu d’existence versé inconditionnellement à tout membre d’une communauté politique, du berceau au tombeau, refait surface à la manière d’une planche de salut.
Certes, l’emploi salariant semble encore la situation de référence dans une « société de statut » en voie de dislocation. Mais la « croissance » économique (« carbonée » ou « décarbonée »...) inlassablement présentée comme le remède par excellence contre le chômage n’est pas au rendez-vous. Et les « évolutions » du droit du travail vers une « société sans statuts » ni cotisations sociales vouée à l’autoexploitation sans limite ni protection de chacun mettent justement en débat le « droit au revenu » hors emploi...
Alors que le « plein emploi » quitte nos sociétés désindustrialisées et « uberisées », le revenu de base pourrait être appelé à devenir l’un des « piliers centraux d’une société libre, dans laquelle la liberté réelle de s’épanouir, par le travail et en dehors du travail, sera équitablement distribuée ».

Lorsqu’une politique de régression, présentée comme une « nécessité économique » voire comme le seul moyen pour une « start-up nation »  de « garder son rang dans la mondialisation », lézarde le socle commun et sape l’armature sociale tout comme l’édifice de « la Dette », l’heure semble venue d’un autre récit et d’une nouvelle fondation sur laquelle les membres d’une communauté pourraient (re)construire une vie digne et décente voire se projeter à nouveau vers un avenir habitable... 

Van Parijs et Vanderbogt rappellent l’impérieuse nécessité non pas d’un simple « filet de sécurité » mais  d’un vrai « plancher sur lequel tous peuvent se tenir debout »...
Ce revenu de base ne constituerait en rien une « décincitation au travail », mais, bien au contraire, une opportunité donnée à chacun de pouvoir enfin travailler selon ses aptitudes et compétences, ses choix et possibilités : « Un revenu de base est là pour faciliter la recherche, par tous, de ce que nous aimons faire et que nous faisons bien, via l’emploi rémunéré ou non »...

Le revenu de base, une préhistoire...

Dans son Utopie (1516), Thomas More (1478-1535) interpellait ses contemporains  : « Vous faites souffrir aux voleurs des tourments affreux ; ne vaudrait-il pas mieux assurer l’existence à tous les membres de la société, afin que personne ne se trouvât dans la nécessité de voler d’abord et de périr après ? »
Dix ans plus tard, Jean-Louis Vivès (1492-1540) plaide dans De subventione pauperum  pour un dispositif d’assistance publique et un embryon d’Etat-providence – une « disponibilité au travail » est requise en contrepartie... 
Des dispositifs municipaux d’aide aux démunis se mettent en place au XVIe siècle et les Poor Laws (1597-1601) sont promulguées dans l’Angleterre élisabéthaine.

En juin 1793, Robespierre (1758-1794) fait adopter par l’Assemblée constituante une loi sociale affirmant avec force le « droit d’exister » pour chacun – et la nécessaire question des moyens d’existence : « La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. Les secours indispensables à celui qui manque du nécessaire sont une dette de celui qui possède le superflu ». Mais la chute de Robespierre volatilise cette avancée majeure en pur principe repris par Kant (1724-1804) dans sa Métaphysique des moeurs (1797) et Fichte (1762-1814) dans son Etat commercial fermé (1800).
Le quaker Thomas Paine (1737-1809), inspirateur des mouvements révolutionnaires américains et français, rappelle dans son opuscule La Justice agraire en 1796 : « Liberté, égalité, fraternité ne peuvent se réaliser, associées, si inconditionnellement, le minimum de ressources n’est pas garanti à chaque citoyen ». Il propose alors le versement d’une dotation de base de 15 livres sterling à chaque citoyen ayant atteint l’âge de 21 ans « à titre d’indemnité du droit naturel, dont le système des propriétés territoriales les a dépouillés ».
L’année suivante, le pédagogue Thomas Spence (1750-1814) propose dans son pamphlet The Rights of Infants (1797) un revenu dont le financement repose sur la valeur des terrains et immeubles.
Les magistrats de Speenhamland, une bourgade du comté de Berkshire, établissent en 1795 un « dispositif d’allocation en espèces sous conditions de ressources » mais les « élites industrieuses » de la première « révolution industrielle » en cours obtiennent l’abrogation du « droit de vivre » institué par la « loi de Speenhamland » du 6 mai 1795.

Dans la jeune Allemagne victorieuse devenue une grande puissance économique et industrielle, le chancelier Otto von Bismarck (1815-1898) met sur pied, entre 1883 et 1889, « le premier système général d’assurance obligatoire pour les travailleurs, couvrant la maladie, l’invalidité et la retraite, avec une implication active des employeurs et des organisations syndicales dans sa gestion » - reconnaissant ainsi la protection sociale comme l’une des « missions centrales  des Etats modernes ».
Mais à l’heure de la « mondialisation », ceux-ci se retrouvent réduits à des fonctions d’administration de flux, de maintien de l’ordre et de « gestion de la pauvreté » - évacuant  toute question liée à la justice fiscale et sociale... L’Union européenne peut-elle espérer « regagner sa légitimité » auprès de ses « citoyens »... en diminuant leur protection sociale « au nom de la compétitivité » ? Ou bien la notion de « citoyenneté européenne » prendrait-elle du corps avec le versement d’un eurodividende financé par la TVA ?

Vers une « société de justice » ?

Rappelant les voies à emprunter pour une société de justice voire d’une démocratie réelle de construction commune et d’émancipation,Van Parijs et Vanderboght soulignent qu’un revenu de base ne servirait pas seulement à « soulager la misère », mais aussi à libérer tous les membres d’une communauté : « Ce n’est pas simplement une façon de rendre la vie sur terre tolérable pour les indigents, mais un élément clé d’une société transformée, d’un monde dans lequel nous pouvons nous projeter ».
A la différence des dispositifs existants, ce revenu combine deux inconditionnalités : « Il est inconditionnel au sens où il est universel, non soumis à un test de ressources. Les riches y ont droit au même titre que les pauvres. Et il est inconditionnel au sens où il n’est assorti d’aucune obligation et qu’il n'est pas soumis à une exigence de disponibilité à l’emploi. Les chômeurs volontaires n’y ont pas moins droit que les chômeurs involontaires. »
En Alaska comme au Brésil ou en Finlande, le revenu universel a fait l’objet d’expérimentations mesurées qui laissent difficilement augurer de son universalité et de son inconditionnalité. Mais il s’agit bien, que ce soit « par la voie royale ou la porte dérobée », d’aider les individus à « tenir debout et accomplir des projets » porteurs de sens – non d’une incitation à se reposer sur « les autres »...
La « mondialisation » oblige bel et bien à « adhérer à une conception globale de la justice sociale », bien au-delà de l’affaissement de nos Etats-providence aux tuyauteries percées et d’un « monde du travail » sinistré en champs de mines ultraflexibilisées...
Parce qu’elle « constitue une vision d’un monde meilleur », cette utopie « de liberté réelle pour tous », « guidée par une conception crédible d’un futur désirable » et portée par des rêveurs éveillés, conscients du nécessaire dépassement du statu quo, pourrait bien faire basculer une société disloquée dans un avenir soutenable par la force d’une « irréversible évidence » et d’un esprit de « service mutuel ».

Michel Loetscher

Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght, Le revenu de base inconditionnel – Une proposition radicale, La Découverte, avril 2019, 588 p., 26 €


 

Et s’il fallait envisager une société de l’après-monnaie comme de l'après-pétrole et de l'après-salariat ? Et si un « revenu universel » était le socle de cette transition vers ce « monde d’après » et vers une véritable économie de bienveillance,  enfin respectueuse de la vie et  de la planète ?

La planète et la vie de ses habitants seraient-elles à vendre ? Ce ne serait pas étonnant : dans notre société marchande où chacun est tenu de « se vendre » pour s’y faire une « place au soleil », serait-il possible tout de même d’avoir « quelque chose » en échange de... rien ? Par exemple, un revenu pour avoir juste le « droit de vivre » ? Sans même travailler en contrepartie pour « mériter » ce droit ? Puisqu’il n’y a plus assez de « travail » pour tout le monde...

Jusqu’alors, le travail qui assurait revenu et reconnaissance était le moteur de cette société. Avec l’automatisation, il faut de moins en moins de travail humain pour produire de plus en plus de richesses – ou de gadgets... Que faire alors de tous ceux qui ne parviennent plus à « s’employer » ?
Etrangement, le « progrès » technologique ne libère ni ceux qui se sentent asservis à un « emploi » aussi aliénant qu’ubérisé ni les « demandeurs d’emploi » astreints, quoique mis « hors jeu », à une non moins aliénante recherche sans perspective véritable sur un « marché  du travail » dérégulé.
Le discours dominant n’envisage le « travail » que sous l’angle mort de son « coût » alors que le « plein emploi » s’éloigne à la manière d’un horizon qui s’affaisse.
Si le « travail » coûte si cher et si « travailler » ne permet même plus de « gagner sa vie », pourquoi nous résigner à l’implacable érosion de notre socle commun  en persistant dans un « modèle » sans avenir ?

La vieille idée (depuis L’Utopie de Thomas Moore en 1516, voire depuis Sparte...) d’un « revenu universel » versé inconditionnellement à chacun juste pour garantir son « droit à l’existence » reprend de la vigueur comme une utopie réalisable voire comme une alternative aussi désirable que crédible. Et si justement c’était là le nouveau socle sur lequel élever les individus et refaire société ?

Vers une alternative soutenable ?

Cette idée d’un revenu d’existence, versé sans condition ni contrepartie, de la naissance à la mort, rejaillit fort opportunément de la boite à belles promesses électorales, forcément finançables avec « l’argent des autres », lors de chaque scrutin. Elle quitte le domaine des grands principes pour refaire « débat », en marqueur de nos grandes interrogations, dans un monde d’incertitudes croissantes dont les aiguilles s’affolent – et tournent, aux yeux désormais désillés du plus grand nombre, dans un sens contraire aux plus élémentaires des aspirations humaines...
Le revenu universel sera-t-il le nouveau pilier d’une société libre, conciliant équité, efficacité et transition écologique voire le prochain « modèle économique » de l’humanité ?
« Si l’homme est dénué des moyens d’existence, son droit à la vie devient un leurre » rappelait l’ancien ministre Jacques Duboin (1878-1976). Pendant la Grande Dépression de l’entre-deux-guerres, celui qui était alors député de Haute-Savoie plaidait pour l’instauration d’un « revenu social assuré à tous de la naissance à la mort» - et d’un « service social » pour pallier aux urgences productives, le cas échéant. La « compétition » pour les moyens d’existence (voire la « lutte pour la vie »...) a-t-elle encore une raison d’être dans une société en surproduction où le travail n’est plus nécessaire ?

Ce revenu traduirait une « reconnaissance comme membre de la communauté ». Il permettrait d’accéder à un travail choisi plutôt que subi. Plutôt que de demander à une personne de chercher un « travail » dont la forme salariée est en voie de volatilisation, ne vaudrait-il pas mieux désormais lui accorder l’assurance d’un revenu afin qu’elle puisse enfin... travailler ?
Ne pourrait-on pas ainsi relancer l’entrepreneuriat et la création d’emplois « eco-compatibles » dans la « transition écologique » d’une société se voulant plus « verte » que nature ? Et passer d’une « précarité subie » à une « mobilité choisie » ? Comme on passe d’un ordre économique qui organise la pénurie en un système coopératif viable ?
Immanquablement se pose la question : le revenu universel est-il « économiquement soutenable » ? Assurément oui, si l’on change la « clé de repartition des richesses »... Diverses études montrent que l’instauration d’un revenu au-dessus du seuil de pauvreté (960 euros) représenterait un coût de 450 milliards d’euros en France - le coût de la protection sociale s’élève à 700 milliards sans couvrir pour autant tous les laissés-pour-compte de la numérisation accélérée du réel...

Les pistes de financement vont des plus évidentes (un impôt sur le revenu véritablement « progressif » pour les hauts revenus, la fin de l’évasion fiscale, etc.) jusqu’aux plus radicales comme celle le liant à un « revenu maximum autorisé »... Si nos sociétés postindustrielles ont jusqu’alors « géré la pauvreté », ne pourraient-elles pas élever leurs « inemployés » au-dessus du seuil de pauvreté voire les en sortir ? Le problème de la pauvreté ne se « gère » pas, il se règle. Cela supposerait évidemment une « solidarité » élargie à ceux qui jusqu’alors « se distinguent » par une irrépressible propension à s’en exonérer : « il n’y a pas de revenu universel sans impôt universel » rappelle Marc de Basquiat.

Extension de la sphère de la gratuité

Paul Ariès imaginait de verser une partie du revenu universel en monnaie nationale, une autre en monnaie locale et une dernière sous forme de droits d’accès aux biens communs. Car le droit de vivre décemment passe bien évidemment par le libre accès aux biens et services publics. Et par la gratuité du bon usage de ces services publics « face au renchérissement du mésusage individuel et collectif ».
Pourquoi ne pas étendre la sphère de la gratuité ? Si « l’argent est un problème » pour tellement d’humains à qui il manque cruellement, pourquoi continuer à poser la question du bien-être social en termes monétaires ? Pourquoi ne pas sortir de l’échange marchand et de la monétisation des rapports sociaux ? Pourquoi ne pas envisager un revenu qui inclurait l’accès gratuit à des biens et services relevant jusqu’alors d’un « marché » ?
Si le signe monétaire donne accès aux « produits et services »... lorsqu’on en a, il en interdit l’accès lorsqu’on en manque... « L’argent » a cessé de fonctionner comme lien social et moyen d’accès aux utilités réelles : quand il « manque » ( ?) alors qu’il ne vaut plus le métal qui lui servait de référent, il est à la source de tous les maux qui affligent la société – et les exacerbe de façon exponentielle dans l’actuelle phase de création monétaire débridée. Aussi longtemps qu’il sera possible de l’accaparer, de l’accumuler, de le thésauriser et de spéculer sur la rareté organisée des biens vitaux ou sur des différentiels de prix, « l’argent » ne sert qu’à générer des « profits » étrangers au « bien commun »... Une économie soumise à l’obligation de réaliser des profits monétaires les fera toujours passer avant « l’intérêt général » ou la justice sociale...
Si « l’argent » est « le problème » et non la solution facilitant les relations humaines, pourquoi ne pas... en « faire l’économie » ? Pourquoi ne pas se désenvoûter du totem-argent érigé en absurde « fin en soi » contraignant à travailler toujours plus alors qu’il n’est même plus possible, en ces temps d’obsolescence accélérée de l’homme, de transformer plus de travail humain en « argent » ?
Pourquoi ne pas inventer la société de la désargence et de la bienveillance  plutôt que de la surveillance généralisée et de la stigmatisation des « assistés » ou autres « inactifs » ? Celle qui permettrait à chacun de devenir créateur de richesse sociale, même hors emploi marchand, en lui donnant la liberté de décider de sa vie et de la société où il aimerait vivre ?
L’universalité d’un revenu d’existence prendrait tout son sens par un accès garanti à l’essentiel (dont il ne serait plus possible d’organiser la pénurie... ) libérant les énergies comme les talents. Ainsi passerait-on vraiment d’une « société de l’argent » à une « société des talents ».
Il est question de supprimer « l’argent » en espèces (pièces et billets) d’ici 2025 ? Or, la monnaie n’est rien moins qu’un « bien partagé par une collectivité politique et sociale ».

Une « société sans cash » alliée à des taux d’intérêt négatifs spoliant l’épargnant est dénuée de toute pertinence économique et anthropologique. Puisque les algorithmes évacuent le « facteur humain » de l’équation, pourquoi ne pas faire aussi l’économie de cette société-là, dévoreuse de vies, d’énergie et de réalité ? Pourquoi ne pas aller directement à cette « société sans argent » qui ne se fonderait plus sur le mésusage monétaire comme instrument de pouvoir, de mesure et de répression consacrant les inégalités ?
Dans une « société démocratique », il devrait être possible de « débattre » d’une autre vie possible au-delà de « l’argent ». Et d’envisager une autre conception d’un humain qui ne se réduirait pas à sa seule fonction économique. Dans une société véritablement « inclusive », il ne devrait plus être possible de faire mourir les gens de pauvreté en leur interdisant l’accès à ce qui leur suffirait pour vivre. Une telle société aurait décidé une fois pour toutes l’abolition de la peine de mort économique et sociale...
La démonétisation de l’économie empêcherait « l’argent » de jouer contre les hommes sur une planète dévastée par nos errements prédateurs. Une économie de désargence permettrait de réorienter « la politique » vers un « bien commun » qui ne serait pas à la merci d’ « intérêts » diamétralement opposés...

Un « monde meilleur » sera techniquement possible quand l’impossibilité de réaliser des « profits » monétaires dans une économie de désargence induirait mécaniquement la fin de l’obsolescence programmée, du gaspillage, du productivisme comme comme du consumérisme compulsifs et de la spéculation frénétique sur les raretés organisées.
Sa mise en oeuvre pourrait enfin « bien-veiller » à la préservation d’une « intelligence publique et délibérative » concernant l’orientation de notre société – et à la meilleure façon de « faire société » sans spoliation des uns au « profit » des autres.
Jusqu’alors subsistait encore, tant bien que mal, dans notre « économie de marché », quelque chose que l’on pouvait tenir  pour « hors de prix ». Mais le consentement de « l’homme économique » à sa réification en machine à éliminer son semblable (pour  devenir « milliardaire » ?) a évacué la figure humaine du « four climatique » qui nous est promis par les belles âmes environnementales. La vraie vie des « vrais gens » n’a rien d’un jeu de « compétitivité » ou de guerre – elle résiste depuis des millénaires au conditionnement monétaire.
Alors que la « troisième révolution industrielle » a réduit la part productive de l’homme et dévalorisé sa force de travail, toutes ces vies « inemployables » tenues pour « inutiles » pourraient bien être rendues à l’essentiel...

Si elle était bien posée, la question du sens de l’existence ne distinguerait pas seulement ceux qui « ont de l’argent » et ceux qui n’en ont pas plus que de Rolex marquant une servitude chronométrée... Elle distinguerait tout d’abord pourquoi existe « le sujet » qui se la pose vraiment, pour quoi il existe et de quoi il est responsable. Ce sujet-là existerait-il pour se condamner au bagne sur Terre en s’acceptant comptable d’une Dette abyssale contractée sans son consentement et responsable du gâchis universel provoqué par un « système » qu’il suffirait de changer ? Une société passée au révélateur de la désargence se résignera-t-elle à faire le deuil d’elle-même ?

Michel Loetscher

Gabriel Charmes, Le Revenu universel – vers un nouveau pacte social ?, éditions Transition, février 2019, 232 p., 19,50 €

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